Approche anthropologique de la pandémie de covid‑19 : pratiques thérapeutiques néo‑traditionnelles d’un fundi à l’île de La Réunion

Anthropological approach to the covid‑19 pandemic: neo-traditional therapeutic practices of a fundi on Reunion Island

Sophien Horri, Thierry Malbert, Ségolène Meyssonnier et Michel Spodenkiewicz

p. 3-23

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Sophien Horri, Thierry Malbert, Ségolène Meyssonnier et Michel Spodenkiewicz, « Approche anthropologique de la pandémie de covid‑19 : pratiques thérapeutiques néo‑traditionnelles d’un fundi à l’île de La Réunion », Carnets de recherches de l'océan Indien, 8 | -1, 3-23.

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Sophien Horri, Thierry Malbert, Ségolène Meyssonnier et Michel Spodenkiewicz, « Approche anthropologique de la pandémie de covid‑19 : pratiques thérapeutiques néo‑traditionnelles d’un fundi à l’île de La Réunion », Carnets de recherches de l'océan Indien [En ligne], 8 | 2022, mis en ligne le 02 mars 2023, consulté le 21 décembre 2024. URL : https://carnets-oi.univ-reunion.fr/806

Cet article présente une enquête ethnographique de terrain réalisée à l’île de La Réunion durant la première année de pandémie de la covid‑19. Cette étude concerne les pratiques thérapeutiques néo-traditionnelles d’un fundi originaire de l’archipel des Comores. Notre objectif est d’identifier et d’analyser les mécanismes à l’œuvre dans les processus de réinterprétation de la biomédecine durant ce contexte pandémique. Notre analyse montre comment cette épreuve collective est transformée en ressource professionnelle par un fundi. Les recommandations sanitaires telles que les mesures de confinement et les gestes barrières poussent le fundi à adapter sa pratique à travers la mise en place de « téléconsultations rituelles ». Notre terrain décrit également un fundi qui donne sens à cette pandémie à travers des modèles explicatifs pluriels (biomédicaux et sacrés) et la fabrication d’objets talismaniques nommés hirizi intégrés à des masques de protection. Les conclusions montrent l’utilisation de pratiques thérapeutiques traditionnelles syncrétiques qui ne sont pas nouvelles. Dans tous les cas, le recours au religieux est omniprésent à travers des pratiques rituelles magico-islamiques dont le fundi construit l’efficacité symbolique en les transposant au modèle biomédical.

This article presents an ethnographic field survey carried out on Reunion Island during the first year of the covid‑19 pandemic. This study concerns the neo-traditional therapeutic practices of a fundi originating from the Comoros archipelago. Our objective is to identify and analyze the mechanisms at work in the processes of reinterpreting biomedicine during this pandemic context. Our analysis shows how this collective ordeal is transformed into a professional resource by a fundi. Health recommendations such as containment measures and barrier gestures push the fundi to adapt its practice through the establishment of “ritual teleconsultations”. Our field also shows a fundi that gives meaning to this pandemic through plural explanatory models (biomedical and sacred) and the manufacture of talismanic objects called hirizi integrated into protective masks. The findings show the use of traditional syncretic therapy practices that are not new. In all cases, recourse to religion is omnipresent through magico-Islamic ritual practices, the fundi of which builds symbolic effectiveness by transposing them to the biomedical model.

Fundi : Nous faisons référence ici à un guérisseur traditionnel originaire de l’archipel des Comores, c’est également un titre employé pour tous les détenteurs de savoirs traditionnels.
Fundi: We refer here to a traditional healer from the Comoros archipelago, it is also a title used for all holders of traditional knowledge.

DOI : 10.26171/carnets-oi_0801

Une pandémie à la croisée des mondes

Nous sommes certainement à un moment charnière de l’histoire contem­poraine. Nous avons vu le confinement de plus du tiers de la population mondiale où les individus, malgré eux, ont dû s’éloigner physiquement, s’adapter socialement et pour certains, s’isoler psychologiquement jusqu’à entraîner des répercutions psychopathologiques1. Pour faire face à cette pandémie, la communauté biomédicale et scientifique au sens large s’est mobilisée ainsi que, plus discrètement, celle des tradipraticiens2 à travers des pratiques thérapeutiques dites « traditionnelles ». Le terme de tradipraticien fait son apparition dans le vocabulaire initial de l’anthro­pologie médicale à partir des années 1960. Pour Jean-Pierre Olivier de Sardan, les tradipraticiens sont associés à la pratique des « médecines non-conventionnelles » et permettent de donner une importance particulière aux représentations locales de la maladie3.

Alain Epelboin décrit, quant à lui, les tradipraticiens comme exerçant une prise en charge du malheur qui ne se confond pas avec la pratique biomédicale :

Il ne convient pas d’opposer les pratiques thérapeutiques dites traditionnelles et une médecine scientifique : leurs sémiologies, leurs nosologies se croisent, mais ne se confondent pas. Plutôt que de médecines, il s’agit de systèmes de prise en charge du malheur (biologique ou non) qui s’appuient sur des théories du corps, de la santé, de la maladie, du malheur, du guérissage, ancrées dans les histoires des cultures et des religions qui ont construit et construisent un pays4.

Géographiquement, notre recherche prend naissance à l’île de La Réunion, au sein d’une société créole issue de différentes vagues de peuplement en provenance d’Europe, d’Inde, des Comores, d’Afrique de l’Est, de Chine et de Madagascar. La Réunion est une terre à la croisée des religions, des croyances et où les nouveaux syncrétismes sont visibles5. C’est aussi une terre à la croisée des médecines, où médecine occidentale et médecine traditionnelle se côtoient, s’opposent et parfois s’ajustent6. Nous verrons à travers une étude de cas qui concerne le fundi7 Saïd8 (tradipraticien) que ces logiques de rencontres entre ces médecines donnent parfois naissance à des pratiques thérapeutiques néo-traditionnelles9. Les thérapeutes néo-traditionnels sont des guérisseurs d’un nouveau genre :

Le vocable de thérapeutes néo-traditionnels renvoie à des acteurs qui, tout en s’inscrivant partiellement dans le secteur traditionnel des soins, mobilisent des sources d’inspiration multiples (biomédecine, traditions locales ou importées, thérapeutiques alternatives) et des formes de légitimité plurielles (professionnalisation, organisation associative ou en ONG, écoles, formation biomédicale, etc.)10.

Au niveau épidémiologique, le bulletin de l’Agence régionale de santé de La Réunion à la date du 27 juillet 202111 indique une situation sanitaire qui se dégrade et des mesures barrières qui se durcissent. Cette vague pandémique et ces mesures sanitaires drastiques associées renforcent à La Réunion et dans les Outre-mers une vulnérabilité sanitaire, économique et sociale déjà existante, d’ailleurs plus importante qu’en France métropolitaine12. Des travaux de recherche anthropologique ont déjà été menés, notamment sur la question de l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola en Guinée et en République démocratique du Congo13. Ils décrivent une sollicitation des guérisseurs par les populations pour se protéger du virus ainsi que l’intérêt de l’analyse anthropologique dans la réponse aux épidémies14.

Tout comme pour l’épidémie d’Ebola en Afrique, notre terrain nous montre que les fundi sont également sollicités par la population réunionnaise pour se protéger de la covid‑19.

À La Réunion, la pandémie a poussé certains fundi comme Saïd à s’adapter en pratiquant, tout comme certains médecins allopathes15, des téléconsultations rituelles pour respecter les préconisations des pouvoirs publics. On note également la réalisation de pratiques rituelles spécifiques à la pandémie dont nous ferons une description ethnographique.

Comment est-ce que le fundi Saïd aborde cette pandémie ? Quels sont les modèles explicatifs qu’il propose ? Quels sont les rituels mis en place dans ce contexte ?

Nous chercherons à comprendre à l’aide d’une enquête socio-anthropologique de terrain comment ce fundi mobilise à la fois les savoirs profanes et biomédicaux ainsi que les savoirs sacrés pour répondre aux sollicitations des usagers désirant se protéger de la pandémie de covid‑19.

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de sonder les représentations du fundi sur l’origine de la pandémie et de répertorier les stratégies de protection qu’il propose aux usagers.

Approche méthodologique

L’approche méthodologique est celle de l’enquête socio-anthropologique de terrain et plus spécifiquement celle d’une étude de cas16 qui porte sur le fundi Saïd. Le recrutement de ce fundi a été permis par l’existence d’un pôle d’informateurs que nous avons constitué. La fréquentation des mosquées du sud de La Réunion (Saint-Louis, Saint-Pierre, Le Tampon et Saint-Joseph) et de deux associations portées par la diaspora comorienne dans le même secteur géographique, nous ont permis d’entrer en relation avec le fundi Saïd.

Nous avons mené le terrain de cette étude de cas dans les hauteurs de la ville de Saint-Joseph. Elle a débuté en mars 2020, au début de la première période d’application des mesures de confinement à La Réunion. Présenté comme chercheur en anthropologie, nous avons mené auprès de ce fundi une enquête d’une durée de onze mois.

La temporalité du terrain s’est construite en deux phases :

Dans un premier temps, nous avons réalisé à l’aide d’un canevas d’entretien neuf entretiens semi-directifs durant la période de mars à mi-avril 2020 (trois entretiens téléphoniques d’une durée totale d’une heure trente minutes et six entretiens à son domicile d’une durée totale de sept heures). Le confinement entraînant l’interdiction de se déplacer a rendu nécessaire la réalisation des entretiens téléphoniques. L’ensemble de nos entretiens nous ont permis, tout en respectant la dynamique propre d’une discussion, de cibler des thématiques17 d’enquête (éléments biographiques, itinéraire professionnel profane et sacré, modèles explicatifs de la pandémie et stratégies de protection). Ces entretiens nous ont donné accès à des éléments biographiques du fundi Saïd. Cette approche biographique fait sens autour de la notion de « carrière » qui, selon Jean-Claude Passeron, est le moyen d’éviter au chercheur la confusion entre sciences humaines et sociales et littératures. Il définit la notion de carrière comme suit : « produit logiquement croisé d’une décision subjective (transaction, négociation, conflit, abstention) et de l’objectivité d’une contrainte de cheminement (cursus préétabli dans une institution) »18.

Cette première partie a établi une relation de confiance avec le fundi nous permettant d’accéder aux rituels de protection contre la covid‑19.

Le second temps de notre démarche a donc été l’accès au lieu du rituel, aux rituels de protection et aux conseils proposés par le fundi Saïd à ses usagers concernant la protection contre la covid‑19. Nous avons étudié les pratiques de ce fundi selon une démarche compréhensive du discours et des pratiques au niveau émique19. Nous avons réalisé des observations directes et participantes sur le lieu du rituel. Ainsi, nous avons pu observer et participer à trente et un rituels spécifiques à la protection contre la covid‑19 (d’avril 2020 à février 2021). Une partie de ces rituels (seize rituels) ont abouti à la fabrication par le fundi Saïd d’un talisman nommé hirizi dans le but de protéger de la pandémie de covid‑19. Nous proposerons dans l’analyse de nos résultats une description ethnographique d’un talisman recueilli durant l’enquête de terrain.

La réalisation d’une enquête de terrain nécessite d’interroger la positionnalité éthique du chercheur. Nous questionnons ici la relation entre le terrain, l’objet d’étude et le chercheur.

Notre recours à l’observation participante nous a introduit au plus près du fundi Saïd et des rituels, ce qui fait de nous des observateurs extérieurs et des participants qui se sont mêlés aux rituels. Nos allers et retours entre le dedans et le dehors et notre proximité avec le terrain peuvent être à l’origine de biais méthodologiques, ce qui est certes critiquable et dans le même nous a permis la production dense de données empiriques. Jean-Pierre Olivier de Sardan indique à propos de la positionnalité éthi­que du chercheur et de la production de biais que :

Le rôle du chercheur est une ressource […] La plupart des données sont produites à travers ses propres interactions avec les autres, à travers la mobilisation de sa propre subjectivité, à travers sa propre « mise en scène ». Ces données incorporent donc « un facteur personnel » non négligeable. Ce biais est inévitable : il ne doit ni être nié (attitude positiviste) ni exalté (attitude subjectiviste). Il ne peut qu’être contrôlé, parfois utilisé, parfois minimisé20.

Cette réflexivité éthique s’est traduite au niveau opérationnel par la construction d’une posture de chercheur en recherchant à travers nos interactions une juste distance entre notre terrain, le fundi Saïd et nous‑mêmes.

Le fundi Saïd

Les éléments biographiques

Saïd est originaire de l’île de la Grande Comore21. Il fait partie de la première génération à être né et à avoir grandi à La Réunion. Il vit seul au sud de l’île, dans les Hauts22 de la ville de Saint-Joseph. Il est installé dans une case créole23, en un lieu un peu à l’écart.

Il se décrit comme un musulman pratiquant en ajoutant qu’il est hafiz al Quran24. D’après lui, cela lui donne une notoriété qui lui permet d’être régulièrement invité à psalmodier le Coran lors d’événements rituels tel que le mawlida25, mais également lors de mariages, de circoncisions et d’enterrements. Il a suivi une éducation islamique qui a démarré dès le plus jeune âge auprès de son père, lui-même fundi. Cependant, il précise que son père n’a pas souhaité l’initier aux pratiques thérapeutiques traditionnelles. À ce sujet Saïd nous dit :

Mon père était sollicité tous les jours par des gens parce qu’il était fundi […] Il avait beaucoup de responsabilités. Il était très souvent absent et peu disponible pour nous, je pense que ça lui a fait du mal. C’est pour ça qu’il n’a jamais voulu me transmettre sa science. Il voulait que j’aille faire des études à l’université (Entretien du 14 avril 2020).

Le fundi Saïd dit descendre d’une lignée de sharif 26et de ulema27 de la Grande Comore venue du Yémen. Il obtient un baccalauréat scientifique sur les conseils de son père qui aurait voulu qu’il fasse des études de médecine. Néanmoins, il fait le choix de s’envoler vers l’Afrique du Sud pour y suivre un cursus en théologie islamique de sept ans dans un dar’ul ulum28 où il devient âlim29. Il y apprend à maîtriser les langues arabe et ourdou30 qui, pour cette dernière, est parlée par la majorité de ses professeurs qui sont d’origine indienne.

Saïd est à la fois un fundi se décrivant comme un guérisseur par son héritage familial et un théologien par ses études. Il ajoute lors de l’un de nos entretiens :

Je pratique la médecine prophétique à travers la ruqiya31 depuis quinze ans, tout comme le faisait mon père et mon grand-père avant lui et d’autres encore. Ceux qui m’appellent fundi, c’est plutôt les Comoriens […] J’essaye de venir en aide à des personnes qui souffrent. Je ne veux pas prendre la place de leur médecin généraliste et d’ailleurs il ne pourrait pas prendre ma place (Entretien du 14 avril 2020).

Le terme de fundi est l’appellation la plus couramment utilisée par les usagers pour désigner la fonction de Saïd. La fonction de fundi n’est pas toujours associée à celle d’un guérisseur. Sophie Blanchy32 a réalisé une classification des principales fonctions de fundi aux Comores : le fundi wa shioni qui désigne le maître ou l’enseignant coranique, le fundi wa madjini qui désigne le maître des djinns, le fundi wa duniya qui désigne celui qui peut lire dans les astres, le mwelevu qui désigne le maître spirituel des confréries mystiques soufi et le twabibou qui désigne celui qui pratique la médecine dite arabe inspirée de la médecine hippocratique.

Nous avons constaté à l’occasion de trois rituels l’utilisation par les usagers de deux appellations en langue arabe, cheikh (maître) et râqi (celui qui pratique la ruqiya) pour désigner la fonction de Saïd.

Tout comme d’autres tradipraticiens musulmans, Saïd construit sa légitimité à travers la voie de sa filiation, du religieux et du sacré33. Le statut de sharif auquel il attribue son ascendance jusqu’au prophète Muhammad lui confère auprès de ses usagers une légitimité ainsi qu’une partie de son pouvoir symbolique de guérisseur34. Il dit ne pas avoir été initié, ni avoir de don en indiquant que « seul Allah soigne, je ne suis qu’un intermédiaire quand Allah me le permet ». À ce sujet, Daniel Friedmann, dans ses travaux sur les guérisseurs en France, indique l’importance de l’humilité qui est « indispensable à l’exercice du don »35, et ajoute que le simple fait de revendiquer le don peut priver symboliquement le guérisseur de celui-ci. L’initiation de Saïd s’est surtout faite au fur et à mesure de son cursus de théologie. Il y a puisé ses savoirs et sa pratique de fundi à partir de ce qu’il nomme la médecine prophétique. Cette pratique se réfère à une orthodoxie et une orthopraxie religieuse par l’utilisation exclusive du texte coranique et de la tradition sunnite36.

La bibliothèque de Saïd 

Aux Comores, les ouvrages écrits ont longtemps été réservés à une élite de notables lettrés. Le seul ouvrage présent dans la majorité des foyers reste le Coran, appelé également msahafu ou shio37. Saïd possède une bibliothèque de presque sept cents ouvrages qui se situe dans la salle du rituel. Saïd la décrit comme une des sources de son savoir de guérisseur. Certains de ses ouvrages ont été apportés en boutre du Yémen aux Comores par l’un de ses ancêtres au 18e siècle. C’est un héritage qui se transmet de père en fils, mais aussi de cheikh38 à élève pour certains d’entre eux. Elle est composée majoritairement de livres originaux en langue arabe ainsi que de copies manuscrites à la main.

Saïd réserve une étagère aux nombreux exemplaires du Coran. En effet, il nous précise que le Coran ne doit jamais se situer en contrebas des autres livres, car, d’après lui, « Il est la parole du créateur et sa récitation peut venir à bout de bien des maux ». Il nous cite à plusieurs reprises un verset coranique de la sourate Al-Isra (le voyage nocturne) : « Et Nous ne révélons du Coran que ce qui est guérison et miséricorde pour les croyants […] » (Coran s17v82)39.

Il y a également la présence d’ouvrages de théologie écrits en ourdou40, héritage de ses années d’études passées en Afrique du Sud.

Nous avons constaté que Saïd ne lit presque exclusivement que le Coran. Cependant, il utilise également à chacune de nos présences aux rituels deux autres livres que nous avons consulté. Ils sont de l’époque médiévale et ont été édités au Caire et à Beyrouth. Il s’agit du shams al ma’arif al-kubra (le grand soleil des connaissances) attribué à Al-Buni et du shumus al-anwar wa-kunuz al-asrar (les soleils des lumières et les trésors des secrets) attribué à Al-Tilimsani. Saïd ne souhaite pas s’exprimer sur ces deux livres malgré plusieurs tentatives pour amorcer une discussion sur le rôle qu’il leur attribue. Il s’agit d’ouvrages de référence qui décrivent les pratiques magiques en milieu musulman41 et sont largement utilisés dans la composition des écritures talismaniques aux Comores42. Ils sont parfois associés à des pratiques occultes43 qui peuvent faire passer du statut de fundi à celui de mgangi, c’est-à-dire de sorcier44.

Saïd argumente ses interprétations de la pandémie durant nos entretiens en se référant systématiquement au texte coranique, aux corpus de hadîths45 sunnites et aux ouvrages de médecine prophétique présents dans sa bibliothèque.

Interprétations plurielles d’une pandémie

Les travaux de Sophie Blanchy46 et Michael Lambek47 ont décrit différents modèles explicatifs de la maladie qui sont avancés par des fundi originaires de l’archipel des Comores. Les maux sont pensés à travers un contexte social et relèvent de la responsabilité d’autrui. Ainsi, les responsables de la situation peuvent être tout d’abord des individus extérieurs à la famille. Ils peuvent également prendre la forme d’invisibles identifiés par une multitude de djinns48 d’origine islamique ou non et d’esprits aux origines et appellations diverses49. Ce modèle explicatif syncrétique prend son origine dans une pensée animiste et magicoreligieuse issue du peuplement de l’archipel50. L’étiologie dominante est marquée par l’agression et la persécution51 mais également, comme dans la pandémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, par la maladie vécue comme un malheur52.

Néanmoins, Saïd se défend de s’inscrire dans un modèle animiste ou magico-religieux en nous précisant : « je ne pense pas comme les anciens fundi qui croyaient à toutes sortes d’esprits africains […] Moi je ne travaille pas avec les djinns ». Saïd positionne sa pratique de guérisseur dans une orthodoxie sunnite islamique. Or, il nous décrit également les pratiques talismaniques qu’il utilise comme islamiques même si leur origine est loin d’être musulmane53.

Saïd ne cherche pas pour autant à rompre avec le modèle biomédical. Il nous indique : « Je suis avec les médecins, le virus existe vraiment, il est dangereux et je le dis à ceux qui me consultent ». Cependant, même s’il interprète la pandémie à partir d’une causalité naturelle, il l’attribue de fait à l’autorité divine54. Il cite pour étayer ses propos, le verset coranique de la sourate At Tawba (La Repentance) : « Dis-leur : Nous ne serons jamais atteints que par ce à quoi Dieu nous a déjà prédestinés […] » (Coran s9v51). Il est ici question du principe islamique de la prédestination. Cependant, ce n’est pas propre à la pandémie de la covid‑19 car pour Saïd tout ce qui peut arriver à un individu possède une étiologie divine. Selon cette logique, Saïd considère la pandémie comme « une épreuve envoyée par Dieu ». Nous pouvons mettre en parallèle ces hypothèses étiologiques du fundi Saïd avec les données de terrain recueillies par les travaux anthropologiques de Saïd Bououne55. Ces travaux indiquent que la maladie est perçue chez les Raqî56 comme une punition divine pour tester la foi du musulman et lui permettre de racheter symboliquement ses péchés.

Le fundi Saïd évoque ensuite la causalité des djinns qui peuvent être selon lui des hôtes pour la Covid‑19. Il nous dit :

Il existe des djinns qui prennent la forme d’animaux et ils peuvent rendre malades les gens en transportant des choses […] Le virus a été transmis à l’homme par des animaux. Le djinn peut prendre la forme de ces animaux et toucher n’importe qui (Entretien du 20 avril 2020).

Il n’est pas nouveau que les fundi évoquent cette étiologie pour identifier l’origine du mal57. On retrouve cela dans la description de guérisseurs musulmans au Maroc qui décrivent des djinns qui prennent une forme animale afin de nuire à l’individu58.

La « téléconsultation rituelle » : description ethnographique

La pandémie de covid‑19 a été l’occasion pour le fundi Saïd d’innover dans sa pratique de fundi en utilisant des outils de visioconférence comme le smartphone et la tablette numérique pour que les usagers qui le souhaitent puisse le voir. À propos de la mise en place des « téléconsultations rituelles », Saïd explique que cela s’est imposé à lui :

La première semaine de confinement, j’ai eu beaucoup d’appels. Les gens ont eu très peur, surtout les personnes âgées et certains frères qui sont dans le dîn (la religion). Il y a beaucoup de frères et sœurs qui ne comprenaient pas ce qu’il se passait et ce qu’il fallait faire. Certains m’ont parlé de la fin du monde, du dadjal59 ou m’ont demandé comment les musulmans doivent se comporter face au virus […] Moi je les ai juste rassurés en leur disant de bien rester chez eux, de prier et d’écouter les médecins comme l’avait dit notre prophète. Mais ce n’était pas suffisant et des personnes m’ont demandé de faire des WhatsApp60 avec eux car ils ont besoin de me voir leur dire ça, ça les rassure encore plus. Alors c’est là que j’ai démarré la visio quand on me le demandait (Entretien et rituel du 13 juin 2020).

L’espace du rituel

Il est aménagé au domicile du fundi dans la pièce principale où se trouve sa bibliothèque (voir figure 1). Les murs sont habillés par deux calligraphies représentant des passages coraniques qui d’après Saïd « éloignent les choses mauvaises ».

La première calligraphie est au-dessus de la porte d’entrée et représente la formule de la Basmala. Elle désigne la formule coranique Bismillah ar-rahmân a-rahîm « Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux ». Elle est utilisée comme une protection contre tous les maux61. Son emplacement au-dessus de la porte d’entrée marque à la fois le commencement de l’espace rituel et la frontière entre l’espace du sacré et du profane.

La seconde calligraphie est une composition de ayât al kursî, littéralement le verset du trône (Coran s2v255). Saïd explique que ce verset est le plus protecteur du Coran. Dans le monde comorien, sa récitation permet d’éloigner les shetwans62, qui sont considérés comme les djinns les plus nuisibles63. Nous sommes dans des logiques de protection de l’espace du rituel avec des écritures talismaniques. Il est fréquent aux Comores de retrouver la présence de ce verset dans les rituels de protection des individus, des maisons et dans la fabrication des hirizi64.

Le sol est recouvert de tapis formant un carré où une table basse est disposée pour indiquer la place du fundi. Nous retrouvons sur cette table basse un Coran, une tablette numérique utilisée pour les « téléconsultations », ainsi que des encres naturelles utilisées pour l’écriture des hirizi.

Le fundi impose la réalisation d’ablutions, sans lesquelles personne ne peut pénétrer dans l’espace du rituel. Ces ablutions rituelles correspondent dans l’islam à une mise en pureté du corps. Elles donnent le droit de pénétrer dans un espace sacré comme une mosquée, de prier ou encore de toucher et lire le Coran. Le fundi nous précise que « les ablutions nous protègent vous et moi des choses qui peuvent faire du mal et que l’on ne voit pas ». Ces ablutions renvoient à une pensée analogique de pureté et de protection contre les invisibles et les nuisibles.

Fig. 1 : Le fundi Saïd et le chercheur durant une téléconsultation rituelle (logiciel SketchUp en accès libre)

Fig. 1 : Le fundi Saïd et le chercheur durant une téléconsultation rituelle (logiciel SketchUp en accès libre)

Le déroulement du rituel 

Le rituel débute chaque jour à partir de 6 h 00, juste après la première des cinq prières canoniques de la journée. Le fundi assis en tailleur lit le Coran à voix basse en attendant les premiers appels de ses clients.

En pratique, le rituel qui concerne la protection contre la covid‑19 se décline en quatre étapes qui sont restées les mêmes tout au long de notre terrain : l’accueil, les rappels, la prescription comprenant récitation de verset coranique spécifique et la fabrication de l’hirizi et enfin la clôture du rituel.

L’accueil : une entrée dans le rituel

Juste après des salutations d’usage, un court entretien est mené. Il est commun à tous les usagers du fundi Saïd :

Soyez honnête et sincère dans ce que vous me dites sinon je ne pourrais pas vous aider. Présentez-vous. Comment m’avez-vous connu ? Qu’est-ce qui vous amène vers moi ? Comment pratiquez-vous votre dîn (religion) ? Je vais vous aider avec l’aide d’Allah.

L’entretien est parfois mené en shi komor ou shi maoré, langues parlées respectivement à la Grande Comore et à Mayotte, qui accède au statut de département français d’outre mer depuis 2011. Le fundi Saïd nous traduit les propos à la fin du rituel lorsque cela est nécessaire.

Les rappels : de la biomédecine au sacré

Tout d’abord, le fundi reprend systématiquement avec l’usager l’ensemble des gestes barrières, des règles d’hygiène et de distanciation préconisées par l’État pour lutter contre cette pandémie. Il explique l’importance du port du masque et du lavage des mains. Il propose ensuite d’envoyer par message à la personne qui consulte un support édité par le conseil départemental de Mayotte décrivant l’ensemble de ces recommandations. Ce support est écrit en français et dans les différentes langues de l’archipel des Comores.

Tout comme pour ses interprétations de la pandémie, le fundi se réfère d’abord à la biomédecine, à travers les préconisations de l’Agence régionale de santé.

Dans un second temps, il transpose les gestes barrières et les mesures de confinement aux religieux. Il cite un hadîth qui relate l’histoire d’une épidémie de peste, qui a eu lieu dans la péninsule arabique au VIIe siècle, au début de l’ère islamique. Ce hadîth est le suivant : Si une épidémie se déclare dans le pays où vous êtes, n’en sortez pas pour la fuir, et si vous entendez qu’elle s’est déclarée dans un pays, ne vous y rendez pas65. À l’aide de ce hadîth, le fundi explique à ses usagers que les mesures de confinement et de distanciation ne sont pas nouvelles dans l’Histoire. Il ajoute « Ce hadîth montre que le prophète Muhammad a conseillé le confinement à son époque. Nous devons faire la même chose ».

Une fois les rappels terminés, Saïd poursuit avec ce qu’il nomme « l’ordonnance ».

La prescription

Au-delà de la description ethnographique de la prescription, nous inter­rogeons l’efficacité symbolique de celle-ci. La question de l’efficacité symbolique que l’on retrouve sous le nom d’effet placebo en biomédecine est décrite comme un phénomène ambiguë. Que ce soit l’efficacité d’un médicament en biomédecine, d’un rituel, de pratiques d’un guérisseur ou encore d’un talisman, ils sont conditionnés par la capacité qu’a l’usager d’y croire66. C’est en cela que Jean Benoist67 décrit la médecine et la religion comme étant des sœurs siamoises avec la nécessité d’une intime conviction pour les rendre efficaces. Jean Benoist ajoute que « L’efficacité thérapeutique n’est pas liée au changement du mal, mais au changement de celui qui est en rapport avec ce mal : l’efficacité de son intervention au sein de sa représentation »68.

La prescription s’inscrit dans un rituel obéissant à un protocole qui reste identique d’un rituel à l’autre. Le fundi y convoque à la fois la biomédecine avec le rappel des gestes barrières, la nécessité de suivre les recommandations de l’Agence régionale de santé, le sacré à travers le texte coranique et le syncrétisme autour de ses pratiques talismaniques. Il s’inscrit parfaitement dans ce que Laurent Pordié et Emmanuelle Simon ont nommé « les nouveaux guérisseurs »69. Ces deux auteurs s’inscrivent dans le sillage de Hobsbawn et Ranger70 selon lesquels toute tradition n’est jamais figée mais au contraire en perpétuelle transformation, ce qui selon eux justifie le qualificatif de « néotraditionelle ». Les auteurs ajoutent que cette catégorie des « nouveaux guérisseurs » se réfère tout comme nous l’avons décrit pour le fundi Saïd à plusieurs paradigmes et sources de savoirs.

La prescription du fundi Saïd se compose de deux parties :

  • Une récitation de versets coraniques nommés al-Muhawidatan.

  • La fabrication, l’insertion et le port de l’hirizi dans un masque de protection.

La récitation d’al‑Muhawidatan 

Il demande aux usagers de réciter trois fois le matin en se réveillant et trois fois le soir avant de se coucher, deux sourates du Coran. Il s’agit de la sourate 113, al-Falaq (l’aube naissante) et de la sourate 114, an-Nass (les hommes). Ces deux sourates sont appelées al-muhawidatan, que l’on traduit par les deux protectrices. Elles débutent toutes les deux par : « qul a’hudu bi Rabbi […] », que l’on traduit par : « je cherche protection auprès du Seigneur […] ». Elles sont décrites comme des sourates talismaniques dans la tradition islamique71 et font partie du corpus des textes protecteurs utilisés aux Comores72.

Le fundi explique aux usagers : « La récitation de ces deux sourates a permis au prophète Muhammad de se protéger des djinns lorsqu’ils l’ont attaqué ». De cette manière, le fundi utilise un processus analogique en transposant les djinns qui ont fait du mal au prophète à ceux qui peuvent transporter la covid‑19. Cet extrait coranique qui est récité par l’usager est efficace selon Saïd pour protéger de la pandémie. Les travaux de Constant Hamés73 sur les pratiques magiques en Islam montre l’importance de l’incorporation du texte coranique dans le rituel pour amener une efficacité symbolique à la prescription.

La fabrication de l’hirizi74

Tous les rituels n’ont pas donné lieu à la fabrication d’un hirizi. La fabrication de l’hirizi se fait à la demande des usagers. Le fundi Saïd explique que ce sont des usagers qui ont pour habitude de porter des hirizi pour se protéger. Quant à la proposition de les intégrer à un masque de protection, cette idée est venue du fundi Saïd.

La conception de l’hirizi est artisanale. Elle permet la création d’un objet rituel qui sera incorporé dans différents masques de protection (voir figure 3).

Nos observations de terrain nous montrent l’utilisation d’un hirizi spécifique à la protection contre la covid‑19 (voir figure 2). En effet, nous avons assisté à la fabrication systématique du même hirizi lors des téléconsultations rituelles concernant la pandémie.

Fig. 2 : hirizi de protection contre la covid‑19

Fig. 2 : hirizi de protection contre la covid‑19

Fig. 3 : masque FFP3 contenant l’hirizi

Fig. 3 : masque FFP3 contenant l’hirizi

La structure de l’hirizi

Le support utilisé est un carré de tissu blanc en coton très fin d’environ 7 centimètres de côté. Ces morceaux de tissu sont découpés par le fundi dans de grands linceuls utilisés d’après lui par des pèlerins qui se rendent à la Mecque. L’omniprésence de ce type de tissu en coton dans les objets talismaniques islamiques joue un rôle symbolique dans l’efficacité donnée à ses vertus thérapeutiques et protectrices75.

La forme de l’hirizi fait référence aux carrés magiques d’al-Bunî, élaborés à partir de la discipline islamique et mystique soufi de la simya76. Pierre Lory définit la simya comme « la science opérative des lettres en Islam »77. Elle est la discipline par excellence utilisée dans les pratiques magiques talismaniques islamiques78.

Le fundi Saïd ajoute un sens symbolique au carré. Il indique qu’il s’agit de la forme de la Kaâba, cette « pierre noire » autour de laquelle les musulmans réalisent des révolutions rituelles lors du pèlerinage à la Mecque.

Saïd charge l’hirizi d’une dimension sacrée à travers le choix du tissu, la forme de celui-ci ainsi que l’écriture qui va le composer.

Proposition d’une description scripturaire et d’une analyse de l’hirizi

Le texte est écrit en arabe dans un style calligraphié. Nous distinguons une écriture en deux temps sur un support toujours vierge. Saïd insiste sur le caractère vierge du tissu qui ne doit contenir aucune souillure car il va accueillir un texte sacré. D’ailleurs, avant de manipuler l’hirizi, Saïd fait ses ablutions rituelles, comme avant chacune de ses prières. Les textes sacrés islamiques ne peuvent être manipulés, écrits et lus en état d’impureté.

Le fundi commence toujours par écrire l’intérieur du carré et termine par l’extérieur.

Il figure au centre du carré le terme الله (Allah), c’est-à-dire Dieu, le Divin ou encore l’Unique. Nous retrouvons au niveau de chacun des angles droits, deux lettres de l’alphabet arabe qui se répètent et qui sont positionnées en miroir. Il s’agit des lettres م (mim) et ح (ha). Elles sont écrites dans un sens antihoraire, correspondant au sens d’écriture de la langue arabe. Cependant, si nous reprenons l’interprétation du fundi concernant la forme carrée de l’hirizi, le sens antihoraire fait référence à celui de la rotation antihoraire des pèlerins autour de la Kaâba. Ces deux lettres font référence au prophète de l’islam. En effet, elles sont à la fois les deux premières lettres du prénom محمد (Muhammad) et sont couramment utilisées comme abréviation pour ce prénom. Nous pouvons les comparer à la façon dont le monde chrétien utilise les lettres J.-C. pour faire référence à Jésus‑Christ.

Le fundi nous explique que la partie intérieure du carré renvoie à la profession de foi de l’islam, c’est-à-dire un Dieu unique, Allah et un prophète, Muhammad.

La partie extérieure du carré reprend quant à elle une du’â, c’est-à-dire une prière d’invocation. Cependant, elle est écrite dans le sens horaire. Le fundi n’a donné aucune information sur ce changement de sens d’écriture, et aucun élément de la littérature n’a permis de nous éclairer à ce sujet. Cette du’â est la suivante :

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Nous pouvons la transcrire phonétiquement en arabe par « Bismillahi lladhi la yaduru ma’a smihi shay un fil ardi wala fis sama i wa huwa sami ‘ul ‘alim » et la traduire par « Par le Nom d’Allah, en compagnie de Son Nom, rien sur terre ni au ciel ne peut nuire, et Il est Celui qui entend tout et sait tout » (voir figure 4).

Le fundi nous indique que cette du’â est présente dans un hadîth qui relate que Muhammad, prophète de l’islam, garantissait à ses compagnons que quiconque la récite, sera protégé de tout mal et de toute épidémie79.

Si nous analysons l’hirizi dans son ensemble, nous pouvons le percevoir comme un prolongement du masque dans lequel il est introduit. Il agit également comme une prolongation du corps de l’usager et joue le rôle d’un objet transitionnel80. Il s’agit d’un objet qui va rassurer son porteur qui le chargera d’un pouvoir symbolique de protection81.

Fig. 4 : traduction de l’hirizi

Fig. 4 : traduction de l’hirizi

La clôture du rituel

Le fundi Saïd propose aux usagers qui ont demandé la fabrication d’un hirizi de se rendre à son domicile pour le récupérer. À ce sujet le fundi Saïd a mis un protocole en place dans le but de respecter la distanciation entre lui et les usagers qui se rendent à son domicile. L’usager dépose, sur la demande du fundi, un masque de son choix dans une caisse en bois prévue à cet effet situé devant son domicile. Une fois en sa possession, le fundi introduira l’hirizi dans le masque de protection et le remettra dans la boîte pour que l’usager le récupère aussitôt. Les masques qui sont déposés par les usagers sont majoritairement en tissu et plus rarement de fabrication industrielle comme nous l’avons vu sur la figure 3. Les masques sont le plus souvent accompagnés d’une somme d’argent qui est à l’appréciation de l’usager. Nous n’avons pas pu aborder les aspects financiers de l’activité du fundi qui ne souhaite pas en parler.

L’utilisation de l’hirizi doit s’adapter aux différents masques portés par les usagers. Le fundi insiste sur le fait que l’hirizi ne doit jamais être ouvert mais qu’il peut être déplacé d’un masque à un autre masque si nécessaire. Le fundi Saïd ajoute que l’hirizi ne doit pas être porté dans des endroits impurs comme les latrines.

Une phrase de clôture du rituel est prononcée « Le respect strict de l’ordonnance te garantit la protection contre cette maladie, sauf si Allah en a décidé autrement ».

Saïd clôture le rituel en faisant systématiquement référence au sacré et en rappelant l’importance d’appliquer les mesures de distanciation et le lavage des mains.

Le rituel se clôture comme il a commencé. Saïd se plonge dans la lecture du Coran à voix basse en attendant d’accueillir le prochain usager afin de commencer le rituel suivant.

Conclusion

Dans un contexte pandémique qui repart à la hausse à La Réunion et avec des mesures sanitaires qui se durcissent82, le fundi Saïd reste sollicité par certains de ses usagers pour fournir des protections et des conseils pour lutter contre la covid‑19. Saïd s’inscrit dans une forme de pluralisme thérapeutique. Pour cela il se réfère en premier lieu à chacun des rituels à la biomédecine en rappelant les différents conseils de lutte contre la pandémie transmis par les institutions sanitaires publiques. Le fundi Saïd fait appel dans un second temps au sacré à travers la tradition islamique sunnite en mobilisant la vulgate coranique, les corpus de hadith sunnites et certains savoirs relevant de savoirs magico religieux présents dans sa bibliothèque.

La mise en place d’une téléconsultation rituelle, l’utilisation de rappels des différentes préconisations sanitaires en vigueur, ainsi que la fabrication de masques talismaniques montrent le caractère dynamique de ses pratiques de guérisseur. Cependant, ces dynamiques ne sont pas nouvelles et sont décrites par des chercheurs dans d’autres aires culturelles.

Nous ne pouvons plus décrire les pratiques de Saïd comme exclusivement traditionnelles83 mais comme celles d’un néo-fundi inscrit dans une temporalité sanitaire dictée par la pandémie du covid‑19. Il s’inscrit dans un système de pratiques thérapeutiques néo-traditionnelles et magico-islamiques peu étudiées à La Réunion. Le concept de néo-fundi à La Réunion et à l’archipel des Comores a besoin d’être éclairé et fait d’ailleurs actuellement l’objet d’une recherche84 socio-anthropologique de terrain.

1 A. Mengin et al., « Conséquences psychopathologiques du confinement », L’Encéphale, vol. 46, 2020, p. 43-52.

2 Source bulletin de l’OMS, « L’OMS soutient une médecine traditionnelle reposant sur des éléments scientifiques probants », 2020.

3 J.-P. Olivier de Sardan, « Les entités nosologiques populaires internes, quelques logiques représentationnelles », in La construction sociale des

4 A. Epelboin, « Médecine traditionnelle et coopération internationale », Bulletin Amades, 50, 2002.

5 J. Andoche, « La fabrication créole des saints : christianisme ou paganisme ? », Colloque Religions populaires et nouveaux syncrétismes, Saint-Denis

6 J. Benoist, « Rencontres de médecines : s’opposer ou s’ajuster », L’Autre, vol. 5, n° 2, 2004, p. 277-286.

7 Le terme de fundi désigne ici un tradipraticien originaire de l’archipel des Comores, c’est également un titre employé pour tous les détenteurs de

8 Nous utilisons ici une pseudonymisation.

9 L. Pordié, E. Simon (dirs), Les nouveaux guérisseurs, Paris, EHESS, 2013.

10 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

11 Communiqué de presse sur le nouveau coronavirus covid‑19 du 27 juillet 2021, Saint Denis, ARS-OI, 2021.

12 F. Taglioni, « La covid‑19 comme indicateur des spécificités sanitaires dans les Outre-Mers français : le cas de Mayotte », Carnets de recherches

13 A. Epelboin et al., « Du virus au sorcier : approche anthropologique de l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola sévissant dans le district

14 A. Epelboin, « L’anthropologue dans la réponse aux épidémies : science, savoir-faire ou placebo ? », Bulletin Amades n° 78, 2009.

15 Nous pouvons prendre l’exemple à La Réunion de la plateforme PSY-COVID974.

16 J.-P. Olivier de Sardan, La rigueur du qualitatif : les contraintes empiriques de l’inter­prétation socio-anthropologique, Louvain-La-Neuve

17 N. Fielding, « Qualitative interviewing », in N. Gilbert, ed., Researching Social Life, Londres, Sage, 1993, p. 135-136.

18 J.-C. Passeron, « Biographies, flux, trajectoires », Enquête, Biographie et cycle de vie, Enquête n° 5, 1989.

19 J.-P. Olivier de Sardan, « La politique de terrain », Enquête, n° 1, 1995, p. 71-109.

20 J.-P. Olivier de Sardan, op. cit., 1995.

21 La Grande Comore est une des quatre îles de l’archipel des Comores (La Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte) dans l’océan Indien. Elle compose

22 Désigne en créole réunionnais les lieux dans les hauteurs de l’île éloignés du littoral.

23 Désigne en créole réunionnais une maison traditionnelle en bois avec un bardage en tôle.

24 Individu connaissant par cœur le texte coranique.

25 Une des principales fêtes religieuses à l’archipel des Comores qui marque la naissance du prophète Muhammad.

26 Individu qui descend du prophète Muhammad.

27 Pluriel de âlim.

28 Désigne une université théologique islamique.

29 Désigne un théologien.

30 Langue principalement parlée dans le nord de l’Inde et au Pakistan.

31 Elle consiste à psalmodier certains versets coraniques sur une personne, de l’eau ou un objet dans un but de guérison ou de protection.

32 S. Blanchy et al., « Thérapies traditionnelles aux Comores », Cahiers des sciences humaines, vol. 29, n° 4, 1993, p. 763-791.

33 M. Khedimellah, « Une version de la ruqiya de rite prophétique en France. Le cas de Abdellah, imâm guérisseur en Lorraine », in Coran et talismans

34 H. Mohamed Ben Said, Les sharifs dans l’histoire des Comores, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 91.

35 D. Friedmann, Les guérisseurs. Splendeur et misère du don, Paris, éd. A.M. Métaillé, 1981, p. 44.

36 J. Al-Suyuti, La médecine du prophète, Paris, al-Bustane,1997, p. 13.

37 S. Blanchy, « Les textes protecteurs aux Comores », in Coran et talismans. Textes et pratiques magiques en milieu musulman, C. Hamés (dir.), Paris

38 Désigne ici un maître soufi. Les confréries soufies sont nombreuses dans le monde comorien.

39 Les références coraniques sont rendues par la formule de type s2v255 : sourate 2, verset 255. Toutes les traductions sont empruntées à Malek Chebel

40 C’est la langue nationale du Pakistan et elle est également une des langues officielles de l’Union indienne.

41 P. Lory, « Pensées magiques en islam », Cliniques méditerranéennes, vol. 85, n° 1, 2012, p. 163-174.

42 S. Blanchy, op. cit.

43 J.-C. Coulon (dir.), Magie et sciences occultes dans le monde islamique, Marseille, Diacritiques éditions, 2021.

44 S. Blanchy et al., « Thérapies traditionnelles aux Comores », Cahiers des sciences humaines, vol. 29, n° 4, 1993, p. 763-791.

45 Paroles et actes attribués au prophète Muhammad.

46 S. Blanchy, op. cit.

47 M. Lambek, Knowledge and practice in Mayotte. Local discourses of Islam, Sorcery, and Spirit Possession, Toronto, University of Toronto Press, 1993

48 Désigne desentités invisibles, définies par le Coran, de nature et de pouvoir supérieurs aux humains qu’ils peuvent « posséder » ou perturber mais

49 S. Blanchy, op. cit., 1993.

50 M.Lambeck, op. cit.

51 F. Laplantine, Anthropologie de la maladie : étude ethnographique des systèmes de représentations étiologiques et thérapeutiques dans la société

52 A. Epelboin,« Approche anthropologique de l’épidémie de FHV Ebola 2014 en Guinée Conakry », Rapport de recherche OMS, 2014, 34 p.

53 S. Radi, « Les maux entre Dieu, les génies et les hommes », in Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical, J. Benoist (dir.), Paris

54 S. Radi, op. cit.

55 S. Bououne, La résurgence d’une pratique thérapeutique religieuse « al-Ruqya » ses liens avec la salafya, thèse de doctorat, Université

56 Individu qui pratique la Ruqiya.

57 S. Blanchy et al., « Rituels de protection dans l’archipel des Comores », Islam et sociétés au Sud du Sahara, n° 10, 1996, p. 121-142.

58 S. Radi, op. cit.

59 Il s’agit de l’Antéchrist responsable de l’apocalypse dans la tradition islamique sunnite.

60 Le fundi Saïd désigne l’application WhatsApp. Il s’agit d’une application de messagerie instantanée pour smartphone avec laquelle il réalise les

61 P. Lory, J.-C. Coulon, Al-Bûnî Talismans Shams al-ma’ârif Le soleil des connaissances, Orients éditions, 2017, p. 66 ; Al Bûnî, Shams al-ma’ârif

62 De l’arabe shaytan que l’on peut traduire par Satan.

63 M. Lambeck, op. cit., p. 207.

64 S. Blanchy et al., op. cit.

65 Ibn Qayyim al-Jawziah., La médecine prophétique, Beyrouth, Dar al-kotob al ilmiyah, 2005, p. 46.

66 A. Caillé, P. Prades, « “Y croire. Retour sur l’“efficacité symbolique” », Revue du Mauss, vol. 46, n° 2, 2015, p. 291-318.

67 J. Benoist, op. cit.

68 J. Benoist, « Aspirine ou hostie ? Au-delà de l’efficacité symbolique », in Placebo, Le remède des remèdes,P. Maire, R. Boussageon et al. (dirs.)

69 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

70 E. Hobsbawm, T. Ranger (eds.), The invention of Tradition, Cambridge, Cambridge Univer­sity Press, 1983.

71 M. Chebel, Le dictionnaire encyclopédique du Coran, Paris, Fayard, 2009, p. 432.

72 S. Blanchy, op. cit., 2007.

73 C. Hamés, « L’usage talismanique du Coran », in Revue de l’histoire des religions, t. 218, n° 1, 2001, p. 83-95

74 Désigne un texte talismanique ou une amulette utilisée comme protection individuelle.

75 A. Epelboin et al., « Cinq tuniques talismaniques récentes en provenance de Dakar (Sénégal) », in Coran et talismans. Textes et pratiques magiques

76 P. Lory, La science des lettres en Islam, Paris, Dervy, 2017, p. 37.

77 P. Lory, op. cit., p. 38.

78 P. Lory, « Pensées magiques en islam », Cliniques méditerranéennes, vol. 85, n° 1, 2012, p. 163-174.

79 Abu Dawud, Sunan Abu Dawud, Beyrouth, Dar al-Kutub al-Ilmiyah, vol. 5, 2008, p. 313.

80 A. Epelboin, op. cit., 2007.

81 Ibidem.

82 Communiqué de presse sur le nouveau coronavirus covid‑19 du 10 décembre 2021, Saint-Denis, ARS-OI, 2021.

83 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

84 S. Horri et al., « Une clinique de l’altérité face à la COVID‑19. Migrations, Masques et Talismans à l’île de La Réunion », Cliniques, institutions

Abu Dawud, Sunan Abu Dawud, Beyrouth, Dar al-Kutub al-Ilmiyah, vol. 5, 2008.

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1 A. Mengin et al., « Conséquences psychopathologiques du confinement », L’Encéphale, vol. 46, 2020, p. 43-52.

2 Source bulletin de l’OMS, « L’OMS soutient une médecine traditionnelle reposant sur des éléments scientifiques probants », 2020.

3 J.-P. Olivier de Sardan, « Les entités nosologiques populaires internes, quelques logiques représentationnelles », in La construction sociale des maladies. Les entités nosologiques populaires en Afrique de l’Ouest, Y. Jaffré, J.-P. Olivier de Sardan (dir.), Paris, PUF, 1999, p. 71-97.

4 A. Epelboin, « Médecine traditionnelle et coopération internationale », Bulletin Amades, 50, 2002.

5 J. Andoche, « La fabrication créole des saints : christianisme ou paganisme ? », Colloque Religions populaires et nouveaux syncrétismes, Saint-Denis, La Réunion, mai 2009, p. 119-125. hal-01170790.

6 J. Benoist, « Rencontres de médecines : s’opposer ou s’ajuster », L’Autre, vol. 5, n° 2, 2004, p. 277-286.

7 Le terme de fundi désigne ici un tradipraticien originaire de l’archipel des Comores, c’est également un titre employé pour tous les détenteurs de savoirs traditionnels.

8 Nous utilisons ici une pseudonymisation.

9 L. Pordié, E. Simon (dirs), Les nouveaux guérisseurs, Paris, EHESS, 2013.

10 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

11 Communiqué de presse sur le nouveau coronavirus covid‑19 du 27 juillet 2021, Saint Denis, ARS-OI, 2021.

12 F. Taglioni, « La covid‑19 comme indicateur des spécificités sanitaires dans les Outre-Mers français : le cas de Mayotte », Carnets de recherches de l’Océan Indien, n° 5, 2020.

13 A. Epelboin et al., « Du virus au sorcier : approche anthropologique de l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola sévissant dans le district de Kéllé (Congo) », Canopée, n° 24, 2003, p. 5-6. ; B.S. Hewlett et al., « Medical anthropology and Ebola in Congo: cultural models and humanistic care », Bulletin de la Société de pathologie exotique, Masson, n° 98, 2005, p. 237-244.

14 A. Epelboin, « L’anthropologue dans la réponse aux épidémies : science, savoir-faire ou placebo ? », Bulletin Amades n° 78, 2009.

15 Nous pouvons prendre l’exemple à La Réunion de la plateforme PSY-COVID974.

16 J.-P. Olivier de Sardan, La rigueur du qualitatif : les contraintes empiriques de l’inter­prétation socio-anthropologique, Louvain-La-Neuve, Bruylant-Academia, 2008, p. 74.

17 N. Fielding, « Qualitative interviewing », in N. Gilbert, ed., Researching Social Life, Londres, Sage, 1993, p. 135-136.

18 J.-C. Passeron, « Biographies, flux, trajectoires », Enquête, Biographie et cycle de vie, Enquête n° 5, 1989.

19 J.-P. Olivier de Sardan, « La politique de terrain », Enquête, n° 1, 1995, p. 71-109.

20 J.-P. Olivier de Sardan, op. cit., 1995.

21 La Grande Comore est une des quatre îles de l’archipel des Comores (La Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte) dans l’océan Indien. Elle compose l’Union des Comores avec l’île de Mohéli et d’Anjouan, ancienne colonie française indépendante depuis 1975. Quant à elle l’île de Mayotte est le 101e département français depuis 2011.

22 Désigne en créole réunionnais les lieux dans les hauteurs de l’île éloignés du littoral.

23 Désigne en créole réunionnais une maison traditionnelle en bois avec un bardage en tôle.

24 Individu connaissant par cœur le texte coranique.

25 Une des principales fêtes religieuses à l’archipel des Comores qui marque la naissance du prophète Muhammad.

26 Individu qui descend du prophète Muhammad.

27 Pluriel de âlim.

28 Désigne une université théologique islamique.

29 Désigne un théologien.

30 Langue principalement parlée dans le nord de l’Inde et au Pakistan.

31 Elle consiste à psalmodier certains versets coraniques sur une personne, de l’eau ou un objet dans un but de guérison ou de protection.

32 S. Blanchy et al., « Thérapies traditionnelles aux Comores », Cahiers des sciences humaines, vol. 29, n° 4, 1993, p. 763-791.

33 M. Khedimellah, « Une version de la ruqiya de rite prophétique en France. Le cas de Abdellah, imâm guérisseur en Lorraine », in Coran et talismans, Textes et pratiques magiques en milieu musulmans, C. Hamés (dir.), Paris, Karthala, 2007, p. 385‑407. 

34 H. Mohamed Ben Said, Les sharifs dans l’histoire des Comores, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 91.

35 D. Friedmann, Les guérisseurs. Splendeur et misère du don, Paris, éd. A.M. Métaillé, 1981, p. 44.

36 J. Al-Suyuti, La médecine du prophète, Paris, al-Bustane, 1997, p. 13.

37 S. Blanchy, « Les textes protecteurs aux Comores », in Coran et talismans. Textes et pratiques magiques en milieu musulman, C. Hamés (dir.), Paris, Karthala, 2007, p. 267-308.

38 Désigne ici un maître soufi. Les confréries soufies sont nombreuses dans le monde comorien.

39 Les références coraniques sont rendues par la formule de type s2v255 : sourate 2, verset 255. Toutes les traductions sont empruntées à Malek Chebel, Le Coran, Paris, Fayard, 2016.

40 C’est la langue nationale du Pakistan et elle est également une des langues officielles de l’Union indienne.

41 P. Lory, « Pensées magiques en islam », Cliniques méditerranéennes, vol. 85, n° 1, 2012, p. 163-174.

42 S. Blanchy, op. cit.

43 J.-C. Coulon (dir.), Magie et sciences occultes dans le monde islamique, Marseille, Diacritiques éditions, 2021.

44 S. Blanchy et al., « Thérapies traditionnelles aux Comores », Cahiers des sciences humaines, vol. 29, n° 4, 1993, p. 763-791.

45 Paroles et actes attribués au prophète Muhammad.

46 S. Blanchy, op. cit.

47 M. Lambek, Knowledge and practice in Mayotte. Local discourses of Islam, Sorcery, and Spirit Possession, Toronto, University of Toronto Press, 1993.

48 Désigne des entités invisibles, définies par le Coran, de nature et de pouvoir supérieurs aux humains qu’ils peuvent « posséder » ou perturber mais que ceux-ci peuvent en retour contraindre à exécuter certaines missions.

49 S. Blanchy, op. cit., 1993.

50 M.Lambeck, op. cit.

51 F. Laplantine, Anthropologie de la maladie : étude ethnographique des systèmes de représentations étiologiques et thérapeutiques dans la société occidentale contemporaine, Paris, Payot, 1986.

52 A. Epelboin, « Approche anthropologique de l’épidémie de FHV Ebola 2014 en Guinée Conakry », Rapport de recherche OMS, 2014, 34 p.

53 S. Radi, « Les maux entre Dieu, les génies et les hommes », in Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical, J. Benoist (dir.), Paris, Karthala, 1996, p. 167-196.

54 S. Radi, op. cit.

55 S. Bououne, La résurgence d’une pratique thérapeutique religieuse « al-Ruqya » ses liens avec la salafya, thèse de doctorat, Université Aix-Marseille, 2005.

56 Individu qui pratique la Ruqiya.

57 S. Blanchy et al., « Rituels de protection dans l’archipel des Comores », Islam et sociétés au Sud du Sahara, n° 10, 1996, p. 121-142.

58 S. Radi, op. cit.

59 Il s’agit de l’Antéchrist responsable de l’apocalypse dans la tradition islamique sunnite.

60 Le fundi Saïd désigne l’application WhatsApp. Il s’agit d’une application de messagerie instantanée pour smartphone avec laquelle il réalise les téléconsultations rituelles.

61 P. Lory, J.-C. Coulon, Al-Bûnî Talismans Shams al-ma’ârif Le soleil des connaissances, Orients éditions, 2017, p. 66 ; Al Bûnî, Shams al-ma’ârif, Tunis, al-Manâr, 1989, p. 242.

62 De l’arabe shaytan que l’on peut traduire par Satan.

63 M. Lambeck, op. cit., p. 207.

64 S. Blanchy et al., op. cit.

65 Ibn Qayyim al-Jawziah., La médecine prophétique, Beyrouth, Dar al-kotob al ilmiyah, 2005, p. 46.

66 A. Caillé, P. Prades, « “Y croire. Retour sur l’“efficacité symbolique” », Revue du Mauss, vol. 46, n° 2, 2015, p. 291-318.

67 J. Benoist, op. cit.

68 J. Benoist, « Aspirine ou hostie ? Au-delà de l’efficacité symbolique », in Placebo, Le remède des remèdes, P. Maire, R. Boussageon et al. (dirs.), Lyon, Jacques André éditeur, 2008, p. 191-202.

69 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

70 E. Hobsbawm, T. Ranger (eds.), The invention of Tradition, Cambridge, Cambridge Univer­sity Press, 1983.

71 M. Chebel, Le dictionnaire encyclopédique du Coran, Paris, Fayard, 2009, p. 432.

72 S. Blanchy, op. cit., 2007.

73 C. Hamés, « L’usage talismanique du Coran », in Revue de l’histoire des religions, t. 218, n° 1, 2001, p. 83-95

74 Désigne un texte talismanique ou une amulette utilisée comme protection individuelle.

75 A. Epelboin et al., « Cinq tuniques talismaniques récentes en provenance de Dakar (Sénégal) », in Coran et talismans. Textes et pratiques magiques en milieu musulman, C. Hamés (dir.), Paris, Karthala, 2007, p. 147-174 ; C. Hamès, op. cit.

76 P. Lory, La science des lettres en Islam, Paris, Dervy, 2017, p. 37.

77 P. Lory, op. cit., p. 38.

78 P. Lory, « Pensées magiques en islam », Cliniques méditerranéennes, vol. 85, n° 1, 2012, p. 163-174.

79 Abu Dawud, Sunan Abu Dawud, Beyrouth, Dar al-Kutub al-Ilmiyah, vol. 5, 2008, p. 313.

80 A. Epelboin, op. cit., 2007.

81 Ibidem.

82 Communiqué de presse sur le nouveau coronavirus covid‑19 du 10 décembre 2021, Saint-Denis, ARS-OI, 2021.

83 L. Pordié, E. Simon, op. cit.

84 S. Horri et al., « Une clinique de l’altérité face à la COVID‑19. Migrations, Masques et Talismans à l’île de La Réunion », Cliniques, institutions et politiques migratoires, 23e Colloque de la revue transculturelle L’Autre, mai 2021, Visioconférence, France.

Fig. 1 : Le fundi Saïd et le chercheur durant une téléconsultation rituelle (logiciel SketchUp en accès libre)

Fig. 1 : Le fundi Saïd et le chercheur durant une téléconsultation rituelle (logiciel SketchUp en accès libre)

Fig. 2 : hirizi de protection contre la covid‑19

Fig. 2 : hirizi de protection contre la covid‑19

Fig. 3 : masque FFP3 contenant l’hirizi

Fig. 3 : masque FFP3 contenant l’hirizi

Fig. 4 : traduction de l’hirizi

Fig. 4 : traduction de l’hirizi

Sophien Horri

Doctorant en Anthropologie de la santé, Laboratoire de recherche sur les espaces Créoles et Francophones (LCF – EA 7390), Université de La Réunion, co-thérapeute au sein de la consultation transculturelle du CHU de La Réunion
sophien.horri@univ-reunion.fr

Thierry Malbert

Anthropologue, MCF-HDR en sciences de l’éducation au Laboratoire LCF-EA 7390, Université de La Réunion
thierry.malbert@univ-reunion.fr

Ségolène Meyssonnier

Psychologue clinicienne, consultation clinique transculturelle du CHU de La Réunion
segolene.meyssonnier@chu-reunion.fr

Michel Spodenkiewicz

Pédopsychiatre, MD, PhD, MCU-PH, Centre d’Investigation Clinique – Inserm EA 1410, Université de La Réunion
michel.spodenkiewicz@univ-reunion.fr