L’océan Indien au cœur et en contrepoint de l’analyse

Avant-propos

Marie-Annick Lamy-Giner et Hélène Pongérard-Payet

p. 1-3

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Marie-Annick Lamy-Giner et Hélène Pongérard-Payet, « L’océan Indien au cœur et en contrepoint de l’analyse », Carnets de recherches de l'océan Indien, 6 | -1, 1-3.

Référence électronique

Marie-Annick Lamy-Giner et Hélène Pongérard-Payet, « L’océan Indien au cœur et en contrepoint de l’analyse », Carnets de recherches de l'océan Indien [En ligne], 6 | 2020, mis en ligne le 27 février 2023, consulté le 11 mai 2024. URL : https://carnets-oi.univ-reunion.fr/560

Nous sommes des histoires communes, des livres communs.
Michael Ondaatje, Le Patient Anglais.

Il évolue toujours relativement aux choses, il longe les murs, les haies sous les terrasses. Il inspecte la périphérie.
Michael Ondaatje, Le Patient Anglais.

Les varia ici présentés portent sur le grand Sud-Ouest de l’océan Indien jusqu’aux confins de l’Afrique du Sud ainsi que sur l’outre-mer français. Les trois cercles qui caractérisent la fédération de l’Observatoire des Sociétés de l’Océan Indien (OSOI), à laquelle est adossée la revue, sont ici mandés. À la loupe du géographe, ces espaces peuvent se lire et s’appréhender à diverses échelles. Ils s’organisent en auréoles autour de La Réunion. Le premier cercle rassemble les îles et archipels du bassin occidental de l’océan Indien. Les États bordiers de l’océan Indien drapent le deuxième cercle. Le dernier cercle est ouvert sur le monde et met en relief des pays ou territoires qui ont des liens (économiques, socio-culturels) avec l’océan Indien ou qui partagent les mêmes caractéristiques (à l’image des Outre-mers français ou encore des régions ultrapériphériques). L’existence de ces cercles n’empêche pas le croisement des échelles. Elle invite aussi à une lecture du global et du local.

Colombe Couëlle ouvre le numéro avec une belle étude sur Ménardeau et plus précisément sur la production picturale réunionnaise de ce peintre. Avant d’interroger les choix thématiques retenus pour illustrer La Réunion et la réception de ses œuvres auprès du public, l’article dresse le portrait de ce peintre postimpressionniste.

Karen López Hernández s’intéresse aussi à La Réunion mais le voyage qu’elle propose nous entraîne dans le sud de l’île. À travers des exemples tamponnais, elle nous dresse un tableau des gallodromes et des coqueleurs. Comme au Timor-Leste ou dans les Antilles, le batay coq est une pratique ludique régie par un ensemble de règles où transparaît une forte dimension identitaire. Karen en dépeint les aspects et spécificités réunionnaises par le prisme des paris.

À l’heure de la Covid-19 où les mobilités semblent s’être figées, Jacques Charlier nous invite à appréhender les flux aériens qui strient l’Afrique du Sud. Il cerne les forces et les faiblesses du réseau aérien sud-africain à travers les jeux de concurrence et de complémentarité entre compagnies et plates-formes aéroportuaires.

Les trois autres articles traitent du droit de l’outre-mer – dans ses dimensions nationales, internationales et européennes – applicable à l’océan Indien. Ne vivant pas repliées sur elles-mêmes, les sociétés indianocéaniques sont en effet tournées vers le monde multipolaire avec lequel elles interagissent, en nouant des relations privilégiées avec des pays, des territoires, des organisations régionales et internationales. Ces relations obéissent à une pluralité de règles juridiques d’origine variée.

Au prisme de l’évolution du cadre juridique d’intervention du Fonds social européen (FSE), Hélène Pongérard-Payet dresse un bilan contrasté de la contribution de ce fonds au développement social des DOM, puis des régions ultrapériphériques françaises. À l’heure où se négocie la politique de cohésion de l’Union européenne post-2020, elle appelle, pour un renforcement de la cohésion sociale en outre-mer, notamment à La Réunion et à Mayotte, à une réforme ambitieuse du cadre juridique du FSE que l’Union doit pleinement adapter aux graves handicaps sociaux de ces régions dans l’esprit de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il est aussi question d’adaptation dans l’étude de Thomas M’Saïdié, qui s’intéresse au régime spécifique dont le contentieux de l’éloignement des étrangers fait l’objet en outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte, essentiellement pour des raisons de pression migratoire. L’auteur analyse le principe de l’absence de recours suspensif contre les décisions d’éloignement, assorti d’assouplissements, que pose le droit français et qui s’applique dans certains territoires ultramarins. Puis, il démontre, jurisprudence à l’appui, que ce principe dérogatoire du droit commun bénéficie du sceau du Conseil constitutionnel français et, dans une moindre mesure, de celui de la Cour européenne des droits de l’homme en fonction des circonstances.

À une plus grande échelle, Daniel Dormoy dresse un panorama de la participation des Outre-mers français aux organisations internationales régionales, en s’appuyant sur les potentialités ouvertes par les textes de droit interne, international et européen. Étudiant les actes constitutifs de plusieurs organisations régionales dans trois zones géographiques, le juriste dévoile les limites juridiques et politiques de la participation dans la zone océan Indien de La Réunion et de Mayotte à ces organisations, en comparaison de la pratique plus favorable développée dans les zones Antilles-Guyane et Pacifique.

Dans la continuité de cette étude traitant en filigrane de la coopération et de l’intégration régionales, dont l’Indianocéanie pourrait en être dans l’océan Indien le socle ou le tremplin, le sixième numéro des Carnets de recherches de l’océan Indien se termine par la recension d’un ouvrage qui se veut force de propositions, si bien qu’il est cité dans un récent rapport du Sénat français sur Les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 20201. Daniel Dormoy présente ainsi l’ouvrage collectif, L’Union européenne et la coopération régionale des Outre-mers. Vers un renforcement du soutien européen ?, publié sous la direction d’Hélène Pongérard-Payet et rassemblant des contributions de praticiens du Parlement européen et de la Commission européenne ainsi que de chercheurs universitaires, s’intéressant aux espaces caribéen, indianocéanique et macaronésien notamment.

En définitive, dans ce numéro, l’océan Indien peut être identifié à un carrefour géographique. Les îles le composant sont au cœur de l’analyse ou nourrissent la comparaison. Elles convoquent les croisements de regard.

1 V. Lopez, G. Roger et D. Théophile, Rapport d’information n° 651, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, 16 juillet 2020, 265 p.

1 V. Lopez, G. Roger et D. Théophile, Rapport d’information n° 651, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, 16 juillet 2020, 265 p., spéc. p. 85.

Marie-Annick Lamy-Giner

MCF-HDR de géographie, Université de La Réunion
malamy@univ-reunion.fr

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Hélène Pongérard-Payet

MCF-HDR de droit public, Université de La Réunion
helene.pongerard@univ-reunion.fr

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