DOI : 10.26171/carnets-oi_0606
Introduction
Les « outre-mer français » désignent des entités qui, d’après la définition donnée par Jacques Ziller,
ont en commun leur éloignement par rapport à la métropole et leur passé de colonies françaises, et des différences en matière de peuplement, de culture, de climats par rapport à la France métropolitaine, qui les distinguent de celle-ci sans nécessairement les rapprocher les uns des autres1.
Géographiquement, les outre-mer ce sont douze territoires répartis sur trois grandes régions2 : dans l’océan Pacifique, La Nouvelle-Calédonie, La Polynésie française et les îles de Wallis et Futuna ; dans l’Atlantique et les Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ; dans l’océan Indien et l’Antarctique, La Réunion, Mayotte, les Terres australes et antarctiques françaises. Ils représentent 97 % des espaces maritimes de la France lui permettant d’être la deuxième puissance maritime du monde derrière les États-Unis et devant l’Australie3. En 2019, la population des outre-mer était estimée à 2 750 323 personnes pour un total de 64 812 052 personnes recensées en France métropolitaine4.
Certains de ces territoires figurent sur la liste des territoires non autonomes du Comité de la décolonisation des Nations Unies et sont donc considérés comme des colonies, leur population ayant vocation à exercer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ainsi, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont été inscrites sur la liste des territoires non autonomes de 1946 à 1947. En 1986, l’Assemblée générale a réinscrit la Nouvelle-Calédonie sur cette liste et en 2013 la Polynésie française, considérant que ces entités restaient des territoires non autonomes au sens de la Charte5.
Au regard du droit de l’Union européenne, certains de ces territoires sont des régions ultrapériphériques (RUP)6 : la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin. D’autres sont des Pays et territoires d’outre-mer (PTOM)7 : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Terres australes et antarctiques françaises, Wallis et Futuna, et Saint-Barthélemy. Il s’agit de catégories communautaires, indépendantes des catégories statutaires nationales (et réciproquement). En effet, il existe un « découplage juridique entre l’évolution statutaire interne et l’évolution statutaire européenne »8. Il en résulte que la France doit convaincre ses partenaires de réviser le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en cas de souhait de changement de statut au niveau de l’Union. Ainsi, le Conseil européen, sur demande de l’État membre concerné, peut décider de transformer les PTOM en régions ultrapériphériques ou l’inverse9. Saint-Barthélemy, qui, jusqu’à la fin de l’année 2011, figurait parmi les RUP, est devenu ainsi un PTOM en 2012. Inversement, en 2014, Mayotte est passée du statut de PTOM à celui de RUP par décision du Conseil européen.
Enfin, au regard du droit constitutionnel français, il n’existe pas moins de quatre catégories juridiques dans lesquelles sont classés les territoires de l’outre-mer10. Il y a les territoires qui relèvent de l’article 73 et qui sont soumis au principe de l’identité législative, mais pour lesquels des adaptations législatives et règlementaires sont possibles compte tenu de leurs « caractéristiques et contraintes particulières ». Il s’agit de la catégorie des départements et régions d’outre-mer (DROM) : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte. Il y a ensuite les territoires qui relèvent de l’article 74, où s’applique le principe de la spécialité législative, étant entendu que le statut défini par une loi organique pour chacun de ces territoires doit « tenir compte des intérêts de chacun d’eux au sein de la République », et notamment « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Il s’agit de la catégorie des collectivités d’outre-mer (COM) : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française11. Il y a également comme troisième catégorie, la Nouvelle-Calédonie, qui tout en restant une collectivité d’outre-mer12 n’est pas une collectivité territoriale et dont le statut particulier de collectivité « sui generis » fait l’objet du titre XIII de la Constitution13, complété par la loi organique. Enfin, il y a deux territoires inoccupés dont le régime législatif et l’organisation statutaire sont définis par la loi n° 55‑1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton14.
Cette diversité se poursuit dans le cadre juridique fonctionnel défini par les statuts particuliers de chaque territoire puisqu’il y a autant de statuts que de territoires. Et à l’intérieur de chaque statut, les dispositions relatives aux relations extérieures varient d’un statut à l’autre. À cet égard, si le droit commun de l’action extérieure des collectivités territoriales s’applique en principe aux collectivités d’outre-mer qui sont des collectivités territoriales15, elles bénéficient de possibilités particulières en matière de coopération régionale, dans le cadre de la loi d’orientation de 200016, puis, plus récemment, grâce à l’entrée en vigueur de la loi du 5 décembre 201617, de particularités pour les collectivités relevant du régime de la loi organique et d’un régime spécifique, pour la Nouvelle-Calédonie et les relations internationales de la Polynésie française.
Ces particularités se manifestent notamment par la possibilité de participer, avec des statuts variables dans des organisations régionales, dans la mesure permise par le droit international et en particulier par les actes constitutifs des organisations concernées. La mise en œuvre de ces possibilités prévues par le droit interne et les actes constitutifs montrera une situation diversifiée, suivant les zones géographiques et les collectivités d’outre-mer ; certaines ne participant au sens strict comme au sens large à aucune organisation régionale, d’autres ayant un statut d’observateur, de membre associé, voire de membre à part entière.
Les potentialités du cadre juridique interne
Pendant longtemps, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie étaient les seules collectivités d’outre-mer à pouvoir aller au-delà du droit commun de la coopération décentralisée en France. Les premières dispositions, extrêmement modestes, qui « ne prévoyaient rien qu’il serait possible de faire si elles n’existaient pas »18 permettaient une association aux relations extérieures de l’État19, et n’envisageaient seulement qu’un représentant du gouvernement du territoire pourrait « être autorisé à représenter conjointement avec le haut-commissaire le Gouvernement de la République au sein d’organismes régionaux du Pacifique Sud ». Cette disposition sera élargie en 1990 et maintenue jusqu’en 2004 pour la Polynésie française20, le président du gouvernement du territoire pouvant être autorisé par le gouvernement de la République « à représenter ce dernier, au sein des organismes régionaux du Pacifique ou des organismes régionaux du Pacifique dépendant d’institutions spécialisées des Nations Unies »21. En 1988, la Nouvelle-Calédonie s’était vu reconnaître de son côté la possibilité, avec l’autorisation du Gouvernement de la République, d’être représentée en tant que telle, « aux côtés de la République », dans les domaines de sa compétence, au sein d’organismes régionaux du Pacifique, ou d’organes régionaux du Pacifique dépendant d’institutions spécialisées des Nations Unies22, ce qui ouvrait la voie à une participation du territoire dans les organisations internationales régionales du Pacifique, ce qui sera fait avec la loi organique du 19 mars 1999 qui dispose dans son article 31 :
La Nouvelle-Calédonie peut, avec l’accord des autorités de la République, être membre, membre associé d’organisations internationales ou observateur auprès de celles-ci. Elle y est représentée par le président du gouvernement ou son représentant. Elle peut disposer d’une représentation auprès de la Communauté européenne. Les autorités de la République sont informées des organisations internationales, y compris la Communauté européenne, auprès desquelles la Nouvelle-Calédonie est représentée23.
C’est en 2004 pour la première fois que la Polynésie française pourra « avec l’accord des autorités de la République, être membre ou membre associé d’organisations internationales du Pacifique ou observateur auprès de celles‑ci »24.
Le statut de Wallis et Futuna qui date de 1961 dispose que c’est l’État qui est compétent en matière de relations extérieures25. Concernant Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, leur statut est régi par la loi du 21 février 200726 et ne prévoit pas non plus de compétences externes mis à part dans le domaine douanier et fiscal.
Concernant les collectivités territoriales qui relèvent de l’article 73, la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 200027 a permis la prise en compte de « l’action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion dans leur environnement régional » avant que la loi du 5 décembre 2016 ne vienne renforcer et élargir leur capacité d’action28 par l’extension du champ d’application géographique de la coopération régionale prévu à l’article L. 3441‑3 du code général des collectivités territoriales29. Si, comme dans le cas de la Polynésie Française et de la Nouvelle-Calédonie, cette action doit se dérouler dans le respect du rôle de l’État et sous son contrôle, elle se limite – comme le souligne la circulaire du 3 mai 2017 du Ministre des Affaires étrangères et du développement international et de la Ministre des outre-mer sur les « Compétences exercées par les collectivités territoriales d’outre-mer en matière internationale à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016‑1657 du 5 décembre 2016 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional »30 –, concernant la participation aux organisations internationales, à la possibilité pour les collectivités uniques de Guyane et de la Martinique, les régions de Guadeloupe et de La Réunion et le Département de Mayotte d’obtenir, en leur nom propre, le statut de membre associé ou d’observateur. Outre que cette possibilité n’est accessible, mis à part le cas de Mayotte, qu’aux collectivités uniques ou aux régions, on notera qu’une accession avec la qualité de membre est exclue. Celle-ci est réservée à l’État qui pourra le faire « en général au titre d’une ou plusieurs de ses collectivités territoriales d’outre-mer situées dans la région »31. Dans ce cas, la circulaire indique qu’au mieux la collectivité pourra assurer la représentation de la France dans l’organisme concerné :
il est opportun d’assurer une concertation afin de s’accorder sur des instructions, ou pour convenir éventuellement de la désignation, à tour de rôle, des représentants de plusieurs collectivités territoriales d’outre-mer à la tête de la délégation française32.
Mais, évidemment, ces possibilités offertes par le droit interne aux collectivités d’outre-mer de participer avec des statuts divers aux organisations internationales régionales doivent également être envisageables d’après le droit de la participation à ces organisations en droit international33. À cet égard le principe du caractère intergouvernemental des organisations internationales auquel les États demeurent très attachés n’exclut pas la possibilité pour des entités autres que les États de participer avec des statuts variés dans des organisations internationales34.
Les potentialités du cadre juridique international
Le principe du caractère intergouvernemental des organisations internationales ne s’oppose pas tout d’abord à ce que des États ou des entités non étatiques (organisations internationales, mouvements de libération nationale, ONG, démembrements d’États comme des États fédérés ou des collectivités infra-étatiques…) puissent participer non pas à l’organisation mais aux travaux de certains organes de l’organisation, sans être parties contractantes à l’acte constitutif et donc avec un statut, soit d’observateurs, soit de « membres » à droits réduits (« membre associé », « membre partiel », « gouvernements participants »). Il est rare que les actes constitutifs contiennent des dispositions concernant le statut relatif aux observateurs, ceux-ci pouvant être invités d’une façon générale à participer aux travaux de certains organes ou étant invités au cas par cas. Il est moins rare de rencontrer des dispositions sur le statut de membre à droits réduits mais ne participant pas à l’acte constitutif. Par contre, lorsque l’acte constitutif n’est ouvert qu’à la participation (au sens strict) des États, il est nécessaire de modifier cet acte constitutif pour permettre la participation d’autres entités avec le statut de membre à part entière de l’organisation étant entendu qu’une modification informelle résultant d’une pratique « généralement acceptée » peut intervenir, l’essentiel étant le respect de l’accord des États sur l’admission à participer comme membre d’une entité qui ne serait pas un État35.
Dans la zone Pacifique on peut citer par exemple le cas de la Communauté du Pacifique dans laquelle les statuts de membre et d’observateur sont établis à l’article XXI de la Convention de Canberra (paragraphes 66 et 67), telle qu’amendée, ainsi que dans la politique relative aux statuts de membre et d’observateur auprès de la Communauté du Pacifique, adoptée par la neuvième Conférence de la Communauté du Pacifique en 201536.
Tout gouvernement (indépendant ou librement associé) ou administration territoriale relevant de la compétence territoriale de la Communauté du Pacifique, telle que définie dans la Convention de Canberra37, peut déposer par écrit une demande d’admission en qualité de membre de la Communauté du Pacifique. La Conférence statue par consensus sur cette demande et décide ou non d’inviter le candidat à devenir membre de la Communauté du Pacifique. Parmi les membres sont distingués les « gouvernements membres » qui ont adhéré à la Convention de Canberra et les États et territoires qui n’ont pas adhéré à titre individuel à la Convention ; pratique établie à partir d’une résolution de 1983, lors de la 23e Conférence du Pacifique Sud. Il en résulte donc que des territoires, non parties contractantes, peuvent devenir membres comme les gouvernements membres, mais que les droits de ces membres sont réduits tant qu’ils ne deviennent pas des gouvernements membres. Ainsi la procédure de retrait prévue pour les membres en général est-elle distincte de la procédure de dénonciation réservée aux gouvernements membres. Plus généralement tous les membres ont les mêmes droits, les « gouvernements membres » disposant de droits liés à leur qualité de partie contractante à l’acte constitutif à l’égard duquel ils sont seuls compétents (interprétation authentique, dénonciation, modification).
S’agissant du statut d’observateur, outre la possibilité pour le secrétariat d’inviter ponctuellement, au cas par cas, « des pays, territoires, organisations internationales, partenaires du développement ou institutions (multilatérales, internationales, régionales, privées, non étatiques) qui œuvrent en partenariat avec la Communauté du Pacifique à assister aux réunions qu’elle organise »38, la Conférence, sur la base de son règlement intérieur, a créé le statut d’observateur permanent pour « ouvrir les possibilités de collaboration avec les entités qui ne souhaitent pas obtenir le statut de membre de la Communauté du Pacifique ou ne remplissent pas les conditions pour ce faire »39. Ce statut peut être accordé sur décision de la Conférence et permet à son bénéficiaire (« Toute entité se situant au sein ou à l’extérieur de la région Pacifique » « partageant la vision et les aspirations au développement de la Communauté du Pacifique et souhaitant collaborer plus étroitement avec ses membres ») de disposer de certains droits (présenter des propositions, prendre la parole…), sans disposer de voix délibérative ni pouvoir empêcher l’adoption d’un consensus dans les organes où il participe.
Au Forum des Îles du Pacifique40, l’acte constitutif déclare être ouvert à la participation des États et il est précisé que la signature d’un membre ne doit pas être interprétée comme permettant d’étendre les droits et obligations énoncés dans l’accord aux territoires dont le membre est responsable des relations internationales41. Il est également indiqué que les amendements à l’acte constitutif doivent être acceptés à l’unanimité des Leaders du Forum42. Donc, sauf accord unanime des membres, les entités autres que les États, et en particulier les territoires dépendants de la région Pacifique ne peuvent être admis à participer au Forum que comme membres associés ou observateurs, sur demande du territoire approuvée par les Leaders du Forum dans le premier cas, ou sur invitation des Leaders dans le second cas qui détermineront dans chaque cas l’étendue des droits et obligations de ces participants43.
En 1969, à Nouméa, est née l’idée de créer dans le Pacifique Sud une organisation régionale chargée des questions d’environnement, idée qui se traduira d’abord par la mise en place en 1974 d’un programme sur l’environnement qui deviendra en 1982, dans le cadre de la Communauté du Pacifique, le Programme régional océanien de l’environnement. Ce programme sera transformé en juillet 1993 en organisation internationale régionale sur la base de l’Accord portant création du Programme régional pour l’environnement du Pacifique Sud (PROE)44. L’article 3 de cet accord dispose que les parties à l’accord (ce qui est le cas de la République française) et les entités dont les noms suivent (dont font partie la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna) peuvent devenir membres de la Conférence du PROE « sous réserve de l’approbation de la partie ayant la responsabilité internationale de ces entités ». L’article 4, paragraphe 4, prévoit la possibilité d’observateurs à la Conférence, dans les conditions prévues par son règlement intérieur. Si tous les membres participent à l’adoption des amendements à la Conférence, seules les parties participent à leur entrée en vigueur45.
D’après les dispositions des actes constitutifs, la participation des collectivités de l’outre-mer français du Pacifique aux principales organisations régionales est donc envisageable, au titre d’observateur, de membre associé, voire en qualité de membre.
Concernant les actes constitutifs des organisations régionales de la zone Amérique-Caraïbes, on peut citer l’acte constitutif de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO)46 qui dispose à l’article 3.3 que
Un État ou un Territoire de la région des Caraïbes qui n’est pas partie au Traité de Basseterre de 1981 peut devenir membre à part entière ou membre associé en vertu des dispositions de l’article 27. L’Autorité de l’OECO détermine la nature et l’étendue des droits et obligations des membres associés.
L’article 27.1 prévoit de son côté qu’
Après l’entrée en vigueur du présent Traité conformément aux dispositions de l’article 26, tout État ou territoire énuméré au paragraphe 3 de l’article 3 du présent Traité peut demander à l’Autorité de l’OECO de devenir membre à part entière ou membre associé à l’Organisation et peut, si l’Autorité de l’OECO en décide ainsi, être admis en tant que tel.
Enfin, l’article 20.2 déclare que « L’Organisation peut décider, conformément à son règlement intérieur, d’admettre comme observateurs à ses délibérations des représentants d’États non membres ou d’autres entités ».
De manière encore plus générale, l’article 3 du traité de Chaguaramas créant la CARICOM47 en 1973 et révisé en 200148, dispose que, en dehors des membres actuels en 2001, « la Communauté est ouverte à tout autre État ou territoire de la région des Caraïbes qui, de l’avis de la Conférence, est capable et désireux d’exercer les droits et d’assumer les obligations de Membre ». L’article 238 reprend cette disposition en précisant que « Après l’entrée en vigueur du présent traité, un État ou un territoire des Caraïbes peut, si la Conférence en décide ainsi, adhérer au présent traité » et que cette adhésion se fait « selon les modalités et conditions que la Conférence décide ». L’article 231 de son côté prévoit que « La Conférence peut admettre tout État ou territoire des Caraïbes à devenir membre associé de la Communauté selon les modalités et conditions que la Conférence juge opportunes ». Enfin, l’article 12 paragraphe 10 dispose que la Conférence « … peut décider d’admettre à ses délibérations comme observateurs, des représentants des États non membres de la Communauté et d’autres entités ».
L’Association des États de la Caraïbe (AEC)49 sur la base de l’accord de Carthagène (Colombie) du 24 juillet 1994 prévoit de son côté à l’article IV, paragraphe 1, que
Peuvent être membres de l’Association les États de la Caraïbe dont la liste figure à l’Annexe I de la présente Convention. Ces États ont le droit de participer et de voter de plein droit aux réunions des Conseils des Ministres et des Comités Spéciaux de l’Association.
Si la participation au sens strict est réservée aux États, l’article IV paragraphe 2 dispose que
L’adhésion à titre de Membre Associé sera ouverte aux États, Pays et Territoires de la Caraïbe dont la liste figure à l’annexe 2 du présent Acte constitutif. Les Membres Associés ont le droit d’intervenir dans les débats et de voter aux réunions du Conseil des Ministres et des Comités Spéciaux sur les questions les concernant directement et relevant de leur compétence constitutionnelle. Le Conseil conclura des accords d’association avec l’État, le Pays ou le territoire concerné, lesquels définiront les termes, les conditions et les modalités régissant la participation du Membre Associé et la jouissance de son droit à une voix délibérative aux réunions du Conseil des Ministres et des Comités Spéciaux.
Enfin, l’article V indique que
Des observateurs peuvent être admis à l’Association selon les termes et les conditions établies par le Conseil des Ministres. Ces observateurs peuvent provenir des États, des Pays et des Territoires figurant aux Annexes I et II de la présente Convention. En outre, tout autre État, Pays, Territoire ou toute organisation demandant de participer en tant qu’observateur à l’Association peut se voir accorder ce statut si le Conseil des Ministres en décide ainsi50.
Il résulte donc de ce qui précède que les dispositions des actes constitutifs de la Communauté du Pacifique, du Forum des Îles du Pacifique, de la CARICOM, de l’OECE ou de l’AEC permettent la participation d’autres entités que les États et en particulier des collectivités de l’outre-mer français qui potentiellement devraient pouvoir accéder au statut d’observateur, de membre associé, de membre partiel, voire de membre de plein exercice dans les organisations relevant de leur zone géographique.
Il en va différemment pour les collectivités de la zone de l’océan Indien, les actes constitutifs des organisations régionales étant moins ouverts à la participation d’entités autres que les États.
D’après l’acte constitutif de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)51, qui ne contient aucune disposition sur d’éventuels observateurs ou membres associés, seuls des États peuvent accéder à la qualité de membre de l’organisation. D’après l’article 7, « Les États énumérés dans le préambule sont, dès la signature et la ratification du présent traité, membres de la SADC », et l’article 8 dispose, concernant l’admission de nouveaux membres :
-
Tout État non énuméré dans le préambule du présent traité peut devenir membre de la SADC après avoir été admis par les membres actuels et avoir adhéré au présent traité ;
-
Le sommet détermine les procédures d’admission de nouveaux membres et d’adhésion de ceux-ci au présent traité ;
-
Le Conseil examinera et recommandera au Sommet toute demande d’adhésion à la SADC ;
-
L’admission d’un État à la SADC se fera par décision unanime du Sommet ;
-
L’adhésion à la SADC ne fera l’objet d’aucune réserve52.
L’association des bords de l’océan Indien (Indian Ocean Rim Association, IORA) n’est également ouverte qu’à la participation des États avec la qualité de membre. L’article 4 de la Charte de l’IORA stipule ainsi :
(a) Tous les États souverains de l’océan Indien peuvent devenir membres de l’Association. Pour devenir membres, les États doivent adhérer aux principes et objectifs énoncés dans la Charte de l’Association. L’élargissement de la composition de l’Association sera décidé par les États membres.
Et si le b) du même article prévoit que « Le Conseil des ministres peut accorder le statut de partenaire de dialogue ou d’observateur », ce statut est réservé « à d’autres États ou organisations ayant la capacité et l’intérêt de contribuer à l’IORA »53.
Le caractère intergouvernemental strict de l’organisation se retrouve dans le Traité du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Common Market for Eastern and Southern Africa, COMESA). D’après l’article 1, paragraphe 2,
Peuvent devenir membres du Marché commun, les États membres de la Zone d’échanges préférentiels des États de l’Afrique orientale et australe suivants : République d’Angola ; République du Burundi ; République fédérale islamique des Comores ; République de Djibouti ; État d’Érythrée ; Gouvernement de transition d’Éthiopie ; République du Kenya ; Royaume du Lesotho ; République du Malawi ; République de Maurice ; République du Mozambique ; République de Namibie ; République d’Ouganda ; République rwandaise ; République des Seychelles ; République démocratique de Somalie ; République du Soudan ; Royaume du Swaziland ; République-Unie de Tanzanie ; République de Zambie ; et République du Zimbabwe.
Le paragraphe 3 du même article dispose :
Les États membres de l’Afrique orientale et australe ci-après peuvent devenir membres du Marché commun s’ils remplissent les conditions que la Conférence peut déterminer : République du Botswana ; et République d’Afrique du Sud (post‑apartheid).
Enfin, d’après le paragraphe 4,
La Conférence peut admettre tout État non repris dans les paragraphes 2 et 3 du présent article qui est voisin immédiat d’un État membre comme État membre du Marché commun de l’Afrique orientale et australe, lorsque cet État remplit les conditions arrêtées par ladite Conférence54.
Il n’y a que dans l’acte constitutif de la Commission de l’océan Indien créée le 10 janvier 1984 par l’Accord de Victoria signé par les ministres des Affaires étrangères de Madagascar, de Maurice et des Seychelles55, qui prévoit la possibilité d’une adhésion d’entités de la région autres que les États. Dans son article 13, l’Accord de Victoria stipule que « La Commission examinera toute demande d’adhésion faite par tout État ou Entité de la Région, et statuera à l’unanimité de ses membres ». Et l’article 3, 2° prévoit que « Les parlementaires des pays signataires peuvent être invités à participer à titre d’observateur, aux travaux de la Commission » ; ce qui n’exclut pas l’invitation d’autres entités comme observateurs.
Une participation effective diversifiée
Dans la zone de l’océan Indien, ni La Réunion, ni Mayotte ne participent, au sens large comme au sens strict, à aucune des organisations de la zone, qu’il s’agisse de la SADC, du COMESA, de l’IORA ou de la COI. La France dispose d’un statut d’observateur au sein du COMESA depuis 2003, elle fait partie des « partenaires de dialogue » de l’IORA depuis 2001, ceux-ci étant « des États souverains individuels et non membres de l’IORA, mais ayant un intérêt particulier et/ou une capacité à contribuer à l’IORA, en particulier dans les domaines d’intérêt commun »56 et elle est membre de la Commission de l’Océan Indien (COI) depuis 198657 « au titre de La Réunion », alors que d’après l’acte constitutif de la COI La Réunion pourrait être membre de cette organisation. Elle se contente, parfois avec des difficultés, de participer à la représentation de l’État dans cette organisation par le biais de représentants de ses collectivités territoriales. De même, à l’IORA où la France a le statut de « Partenaire du Dialogue » ou au COMESA où elle a le statut d’observateur, sa délégation est conduite généralement par des représentants des collectivités territoriales de La Réunion, le plus souvent un vice-président de la Région58.
Dans la zone Antilles-Guyane, la Martinique en 2016, puis la Guadeloupe en 2019, ont pu devenir membres associés de l’OECO59 dans des conditions définies par un accord passé entre le Gouvernement de la République française et l’organisation60. Sur le site de l’OECO il est indiqué : « la Martinique et la Guadeloupe sont membres associés mais sont traitées comme des membres à part entière pour de nombreuses activités de l’Organisation »61. Initialement la République française était membre associé de l’Association des États de la Caraïbe (AEC)62 au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique. Aujourd’hui, la Guadeloupe et la Martinique (depuis les 14 et 11 avril 2014) et Saint-Martin (depuis le 3 juin 2016)63 sont membres associés en leur nom propre, sur les questions de leur compétence, et disposent de ce fait, ce qui est exceptionnel pour un membre associé, du pouvoir de voter aux réunions du Conseil des Ministres et des Comités spéciaux, cependant que la France reste membre associé au titre de la Guyane française et de Saint-Barthélemy64. Depuis 2012, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique sont candidates au statut d’État associé de la CARICOM dans laquelle la France a le statut d’observateur et où le français est la seconde langue officielle après l’anglais. La seule réponse fournie jusqu’à présent par la CARICOM, lors de la 29e rencontre internationale de la conférence des chefs de gouvernement de la Communauté les 26 et 27 février 2018, est que les chefs de gouvernement ont « convenu que les demandes émanant des territoires français d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane seraient examinées plus avant »65.
Dans la zone Pacifique66, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui étaient jusque-là et depuis 2006 membres associés, sont devenues membres à part entière du Forum des Îles du Pacifique le 10 septembre 201667. Cela ne résulte pas seulement de leur statut ou de l’accord des autorités de la République, mais aussi de l’accord des États membres du Forum qui en principe n’est ouvert qu’à la participation d’États68. Wallis et Futuna qui ne détient aucune compétence en matière internationale d’après son statut, qui était observateur depuis 2006, est devenu membre associé du Forum en septembre 201869.
À la Communauté du Pacifique qui a son siège à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), la France est membre originaire de l’organisation depuis 1947, cependant que la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna en sont devenus membres en 198370. Si la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française décident elles-mêmes de leur représentation71, c’est l’État qui assure la représentation des îles Wallis et Futuna dont des élus participent et parfois dirigent la délégation.
Parmi les vingt-six membres du PROE, vingt-et-un sont des pays ou des territoires insulaires du Pacifique et cinq des pays métropolitains. La France fait partie des cinq pays métropolitains avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni. Parmi les territoires insulaires figurent avec la qualité de membres ceux qui relèvent de la France : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna72.
Si les capacités d’action des collectivités de l’outre-mer français prévues par le droit interne demeurent globalement sous-utilisées73, ce n’est pas vraiment le cas pour les dispositions relatives à la participation aux organisations internationales, sauf en ce qui concerne la zone de l’océan Indien. Par contre, dans la zone Antilles-Guyane, la pratique va bien au-delà des textes, encouragée par des dispositions très favorables des actes constitutifs et la flexibilité des autorités de l’État. Cette pratique est également développée dans la zone Pacifique, malgré les limites contenues dans certains actes constitutifs, grâce aux dispositions des statuts internes et à la volonté des États de la région. Finalement, au-delà du cadre juridique qui pourrait être amélioré à bien des égards, qu’il soit national ou international, il apparaît que la question de la participation des outre-mer français aux organisations internationales régionales est d’abord une question politique. Elle dépend de la rencontre de trois volontés, celle des territoires, celle de l’État français et celle des membres des organisations concernées.