Compte rendu de deux ouvrages

Jonas Knetsch

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Jonas Knetsch, « Compte rendu de deux ouvrages », Carnets de recherches de l'océan Indien [En ligne], 9 | 2023, mis en ligne le 01 mars 2023, consulté le 30 décembre 2024. URL : https://carnets-oi.univ-reunion.fr/1011

En 2016, l’Association Henri Capitant a lancé une collection d’ouvrages destinés à apporter aux juristes francophones une introduction aux systèmes juridiques étrangers. Dans la tradition française d’une présentation analytique des « grands systèmes de droit contemporains », les vingt-cinq titres existants permettent d’ores et déjà de se faire une idée bien précise de la diversité et de la richesse du droit sur tous les continents. Il faut savoir gré au secrétaire général de l’Association Henri Capitant d’avoir mobilisé l’important réseau de ses groupes nationaux et correspondants étrangers (qui couvre plus de 40 pays actuellement) pour offrir à la communauté académique ces livres qui, bien que d’un format réduit, se révèlent fort utiles.

Avec la parution d’un titre dédié au Droit de Madagascar en 2021 et d’un autre consacré au Droit de l’île Maurice en 2022, la collection couvre désormais deux systèmes juridiques de l’océan Indien et il faut s’en réjouir, tant la littérature juridique malgache et mauricienne manque de manuels et d’ouvrages de synthèse.

Chacun des deux ouvrages se présente selon un plan identique, composé de treize chapitres (de cinq à dix pages) présentant succinctement le contexte historique du droit national, ses sources, le cadre constitutionnel, les acteurs du droit, le droit pénal, les personnes, la famille, les biens, le contrat, la responsabilité civile, les quasi-contrats, le droit des entreprises et le droit du travail. Compte tenu de ce format imposé, on n’est guère surpris par la concision des développements. Il ne s’agit évidemment pas de donner au lecteur une présentation détaillée du droit positif. De même, un praticien confronté à un problème pratique y cherchera en vain dans ces ouvrages une réponse précise à ses interrogations. L’objectif se situe ailleurs : indiquer l’originalité de certaines solutions juridiques, présenter les forces créatrices du système juridique et orienter le lecteur vers des sources d’informations plus détaillées au moyen d’indications bibliographiques thématiques.

La grande force des deux ouvrages ici présentés tient à l’expertise des contributeurs. Pour le droit mauricien, l’ouvrage résulte du travail d’une équipe de praticiens (un ancien juge à la Cour suprême, des avocats, deux représentants de la Law Reform Commission, une notaire) coordonnée par notre collègue Jean-Baptiste Seube de l’Université de La Réunion, qui a eu la bonne idée de créer une formation destinée à sensibiliser les praticiens de Maurice à l’héritage français de leur droit national. Tout au plus regrettera-t-on l’absence d’universitaires parmi les auteurs, à l’exception peut-être de Pierre Rosario Domingue qui fut professeur à l’Université de Maurice avant de prendre la direction de la Law Reform Commission. Cette absence est d’autant plus étonnante que les contributeurs malgaches sont, quant à eux, des universitaires sans exception. Très certainement cette différence d’approche s’explique-t-elle par l’influence respective des cultures juridiques française et britannique et leur influence sur le discours doctrinal et la production des savoirs juridiques.

Sur le fond, on se contentera de relever l’effort très appréciable d’indiquer, au sein des chapitres, les principales décisions de justice en la matière. Celles-ci éclairent l’interprétation des textes de lois mauriciens et malgaches, dont certains sont identiques aux dispositions du Code civil français et peuvent dès lors donner une illusion d’identité juridique. Dans chacun des deux ouvrages, les auteurs prennent le soin de souligner les différences qui existent avec le droit français pour dissiper cette impression d’un mimétisme juridique qui pourrait résulter d’une comparaison superficielle des textes.

En dépit de certains choix éditoriaux surprenants (comment expliquer l’existence d’un chapitre sur les quasi-contrats, alors que l’ouvrage mentionne à peine le droit administratif ou le système juridictionnel ?), ces ouvrages sont de précieux guides pour faire découvrir à un public le plus large possible l’originalité et la subtilité du droit dans l’océan Indien, lequel se situe résolument au carrefour des traditions juridiques.

Jonas Knetsch

Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne