L’habitation bourbonnaise : un jardin d’acclimatation ?

The Bourbon’s Plantation: a Garden of Acclimatization?

Marc Tomas

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Marc Tomas, « L’habitation bourbonnaise : un jardin d’acclimatation ? », Carnets de recherches de l'océan Indien [En ligne], 10 | 2024, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 16 septembre 2024. URL : https://carnets-oi.univ-reunion.fr/1141

Le jardin colonial est souvent présenté comme un lieu de savoir servant de vitrine à l’Empire. Ces établissements sont autant des lieux de pouvoir que des laboratoires d’expérimentation qui participent à façonner de nouveaux environnements utiles aux puissances européennes. Cependant, ces jardins botaniques développent aussi leurs logiques propres et font participer un grand nombre d’acteurs qui ne se limite pas aux seuls savants issus d’une l’élite coloniale. Cet article tente de replacer ces jardins d’acclimatation dans une perspective locale, inscrite dans le temps long, en y incluant les terres à « mettre en valeur » par les habitants de l’île de Bourbon/La Réunion.

The colonial garden is often presented as a place of knowledge spreading the empire’s power. These establishments were as much places of power as they were laboratories for experimentation, helping to shape new environments useful to the european colonial projects. These botanical gardens also developed their own logics, involving a wide range of actors who were not limited to scholars from the colonial elite. This article attempts to place these gardens in a local, long-term perspective, by including the land to be developed (or improved) by the inhabitants of Bourbon Island/Reunion.

DOI : 10.61736/GCSI1154

Introduction : Quelle filiation pour le terrain d’habitation ?

Historiquement, « l’habitation » renvoie aux vastes bandelettes1 de terres octroyées par la Compagnie des Indes orientales aux premiers habitants de l’île Bourbon, afin qu’ils y exercent une activité agricole permettant d’assurer la subsistance des équipages français de passage sur la route des Indes. Ces terres sont concédées à la condition que l’exposant respecte « l’obligation de cultiver » stipulée dans les contrats de concession de la Compagnie2. Cette obligation de cultiver est rapidement suivie d’une « obligation de mise en valeur des terres »3, les propriétaires d’habitation étant alors exhortés à planter des caféiers (de 1719 à 1806), puis de la canne à sucre (de 1806 à nos jours). Dans cette perspective, l’historiographie traditionnelle conçoit la modernisation agricole de l’île sous le seul prisme du développement de l’économie de plantation. De façon téléologique, sous l’effet d’un processus ascendant et linéaire n’autorisant aucune contingence, l’habitation est présentée comme une unité de production aimantée par le capitalisme industriel4.

Mais l’habitation se limite-t-elle réellement à sa seule fonction productive définie par le régime foncier colonial ? L’habitation ne pourrait-elle pas s’étudier dans la filiation des jardins botaniques qui fleurissent au XVIe siècle en Europe5. Sur le continent, entre le XVIe et le XVIIIe siècles, ces jardins évoluent progressivement du domaine religieux savant (adossés à des monastères) avant d’intégrer la sphère d’un pouvoir savant étatique (auprès des universités ou des palais royaux et princiers)6. Toutefois, au XVIIIe siècle lorsque ce pouvoir savant poursuit son expansion coloniale, le modèle européen du jardin botanique s’exporte. Positionné à l’intérieur ou aux abords d’une forteresse, le jardin devient un marqueur de la prise de possession de la colonie par le pouvoir colonial. Aussi proposons-nous ci-dessous une hypothèse qui permettrait de reconstituer la généalogie des habitations bourbonnaises/réunionnaises en les plaçant dans la filiation des jardins botaniques européens plutôt qu’en ne le conceptualisant sous le seul prisme du droit foncier colonial (Fig. 1).

Fig. 1 : Hypothèse sur la filiation/mutation du terrain d’habitation

Fig. 1 : Hypothèse sur la filiation/mutation du terrain d’habitation

©Marc Tomas

En 1661, sur une gravure publiée par le gouverneur de Fort-Dauphin, Etienne de Flacourt (1607-1660), le rôle central de ces jardins est nettement mis en avant, lesquels s’étendent bien au-delà de l’enceinte de la forteresse (Fig. 2)7.

Fig. 2 : Fort-Dauphin et ses jardins du temps de Flacourt

Fig. 2 : Fort-Dauphin et ses jardins du temps de Flacourt

Source : Etienne de Flacourt, Histoire de la Grande Isle Madagascar, Paris, impr. Gervais &Clovzier, 1661, pl. (entre les pages 254 et 255). [Gallica] site de la Bnf.

Si dix ans plus tard, la tentative de l’amiral Jacob de La Haye d’établir un fort similaire à Bourbon sur le littoral de Saint-Denis échoue8, il n’en reste pas moins que la présence d’un premier jardin au Vieux Saint-Paul, à l’endroit où Etienne Regnault installe son premier lieu de résidence, est déjà avérée9. Progressivement, le quartier de Saint-Denis est préféré à celui de Saint-Paul et la Compagnie établit un jardin au bas de la Rivière Saint-Denis10 probablement au milieu du XVIIIe siècle11.

Il est difficile de voir dans ces jardins une filiation directe avec les jardins botaniques qui se développent en Europe, car ces unités de productions ont d’abord une vocation vivrière et non explicitement scientifique. Pourtant les plantes qui s’y acclimatent servent souvent à reproduire le régime alimentaire des Européens et nécessitent un certain savoir-faire. Dans un ouvrage récent, l’historienne Hélène Blais insiste sur la pluralité de formes que peuvent prendre ces jardins botaniques et finalement sur la définition assez large que l’on pourrait leur donner12.

Traditionnellement, les jardins d’acclimatation qui apparaissent en Europe et dans les colonies à partir du XVIIIe siècle13 sont présentés comme les points nodaux d’une mondialisation du vivant et du savoir qui a pu occulter l’existence de jardins privés et publics aux formes institutionnelles plus floues.

Pour sa part, Hélène Blais fait remonter à 1817 l’année de création d’un premier jardin à La Réunion. Cette date correspond en effet à l’année de l’arrivée de Nicolas Bréon, le premier directeur du jardin détenteur du titre de « jardinier-botaniste »14. Cependant, lorsque ce jardin est créé en 1772 pour être un jardin d’agrément sa vocation scientifique se dessine peu de temps après, avant la fin du XVIIIe siècle15. L’année 1817 est en revanche (et aussi) l’année où est inauguré le jardin du Mont Saint-François dans les hauteurs de Saint-Denis dont le but premier est d’y acclimater des plantes d’origine européenne. Hélène Blais analyse d’ailleurs ce « système de jardin » dans une logique de « complémentarité »16.

Pour notre part, nous formulons l’hypothèse qu’il serait réducteur de limiter ce système de jardin à ces deux seuls établissements institutionnellement reconnus, ou encore de faire remonter à l’année 1817 le début d’une activité scientifique liée à l’acclimatation (ou à l’étude de l’histoire naturelle) dans la colonie.

Dans un premier temps, nous tenterons de considérer l’habitation comme un cadre de référence opératoire pour démontrer l’existence d’un « système de jardin » cohérent sur un ensemble spatial beaucoup plus large et complexe que la seule entité du jardin botanique. Pour restituer l’intégralité de ce phénomène encore faut-il déconstruire certaines idées reçues qui utilisent comme référence le modèle du lieu de savoir clairement authentifié en tant qu’institution officielle17. Nous supposons que cette vision impériale projetée sur le jardin d’acclimatation a pu entraver la compréhension du rôle des habitations, lesquelles apparaissent comme un maillon clé du système de jardins fonctionnant en complémentarité.

Dans un deuxième mouvement, notre analyse souhaite interroger l’empreinte de l’économie de plantation sur les paysages réunionnais et son impact dans la tendance qu’elle a eu à séparer, ou disons à isoler, la partie « jardin » du reste de l’habitation. Dans cette perspective, nos recherches nous amènent à montrer qu’en plus de ses fonctions vivrière et productiviste, l’habitation porte depuis son origine une vocation expérimentale (en matière d’acclimatation par exemple) qui a été progressivement dévalorisée comme une activité dédiée au jardinage.

Enfin, dans une ultime partie, il s’agit de ne pas enfermer l’habitation dans son statut de concession strictement privée18 mais de fournir, par des exemples concrets, la preuve que le savoir colonial se nourrit des collections et des savoirs issus de ces lieux longtemps présentés comme de simples unités de production.

1817 : une année en trompe l’œil ?

1817 est l’année de l’arrivée de Nicolas Bréon, premier directeur du jardin du roi à Saint-Denis. Elle correspond aussi à l’ouverture d’un jardin d’acclimatation à Saint-François dans les hauteurs du chef-lieu19. Notons que la même année l’ordonnateur Philippe de Richemont Desbassyns faisait une séduisante proposition au naturaliste autodidacte de Saint-Benoît, Joseph Hubert, afin d’occuper le poste de « Directeur honoraire du jardin », alors que la venue de Bréon sur l’île avait été retardée20. L’année suivante, l’île reçoit Pierre Bernard Milius et Louis Henri de Saulces de Freycinet, tous deux membres de l’expédition Baudin21 et appelés à devenir successivement gouverneur de la colonie de 1818 à 1826. Leur présence sur l’île est à l’origine des premières sociétés savantes locales22 avec la création des premières comices agricoles23 et d’une société philotechnique24. Le contexte de création de ces petites assemblées locales est assez intéressant pour que nous nous y attardions, notamment à travers plusieurs échanges épistolaires du baron Milius et de l’ordonnateur Pierre Philippe Urbain Thomas adressés à Joseph Hubert. Ces lettres font les louanges de cet « homme de lumière et d’expérience » et incitent pour que ce dernier devienne membre de ces nouvelles sociétés savantes25 quitte à déprécier les compétences des frères Bréon, l’un pour son absentéisme et l’autre pour son jeune âge26.

Joseph Hubert, septuagénaire à la santé fragile27, hésite à intégrer ces assemblées savantes28, alors que sa notoriété dans l’île s’est faite un demi-siècle plus tôt. Si Joseph Hubert est souvent présenté comme l’ami de Pierre Poivre (1719-1786)29, il a surtout été l’un des collaborateurs de Nicolas Céré (1738-1810)30. D’ailleurs, l’historienne Madeleine Ly-Tio-Fane a transcrit la correspondance qu’entretenait Céré avec ses « collaborateurs bourbonnais », parmi lesquels se trouvent des administrateurs tels Crémont et Souillac, mais aussi des hommes férus d’histoire naturelle, amenés à suppléer le pouvoir central dans leur mission de distribution de graines de girofle et de muscade tout juste acclimatées à l’île de France31. Un nombre important de lettres échangées entre Céré et Hubert indique qu’entre les deux hommes un lien d’amitié particulier s’était créé, Céré allant même jusqu’à l’écrire explicitement dans l’une de ses missives32.

Au cours d’un voyage bien documenté de Joseph Hubert à l’île de France en 1778, ce dernier réussit à se procurer auprès de Céré près d’une centaine d’espèces végétales différentes qu’il acclimate sur ses habitations du Boudoir et du Bras-Mussard à Saint-Benoît (Fig. 3).

Fig. 3 : « Nottes des plantes que j’avois porter à Bourbon »

Fig. 3 : « Nottes des plantes que j’avois porter à Bourbon »

Source : ADR, 4J61, Cahiers de notes de Joseph Hubert concernant ses plantations et ses observations sur divers essais, p. 1 (prise de vue de l’auteur).

Ses expériences réussissent si bien qu’il parvient à reproduire des muscadiers, une espèce dioïque (unisexe), en greffant des branches mâles sur des pieds femelles33 avant même que Céré n’en découvre le procédé. Ces succès l’amènent à entrevoir un grand projet pour le sud de l’île après que le gouverneur Souville l’a nommé gouverneur du quartier de Saint-Joseph, que Joseph Hubert aurait tant voulu baptiser « Nouvelles Moluques34 » en ayant le projet d’y acclimater, sur de grandes surfaces, les précieux arbres à épices si longtemps tenus sous monopole hollandais. Mais les concessions de ce quartier immense qui incluait l’actuelle commune de Saint-Philippe ne seront pas reconnues avant 181635 et ce projet resta en partie inachevé à l’heure où la culture de la canne à sucre gagnait toujours plus de terrain entre le littoral et les demi-pentes de l’île.

Cependant, la notoriété de Joseph Hubert n’est qu’en partie ébranlée puisque ce naturaliste autodidacte réussit à se faire connaître de certaines sociétés savantes métropolitaines par le biais de son ami Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent (1778-1846) qui le met en contact avec Louis-Augustin Bosc d’Antic (1759-1828)36. Au début du XIXe siècle, Joseph Hubert bénéficie ainsi de la reconnaissance académique de ses pairs37, tandis qu’en 1818 le roi le gratifie des lettres de chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis38. Ces titres ne sont pas des faveurs que lui octroie charitablement Bory de Saint-Vincent en échange des connaissances partagées lors de son séjour sur l’île en 180139, car à l’époque Joseph Hubert est déjà correspondant pour la Société Académique des Sciences de Paris et l’auteur d’un mémoire de quatorze pages sur la thermogenèse de l’arum40, lequel est lu, en son nom, le 28 fructidor an VII (14 septembre 1799)41. Par ailleurs, Joseph Hubert est un grand lecteur de l’Histoire naturelle de Buffon, œuvre avec laquelle il va néanmoins prendre ses distances en critiquant, dans ses notes personnelles, la méthode de raisonnement par « analogie »42 et plus ouvertement la théorie des « générations successives » dans un mémoire43 rédigé pour la toute jeune société philotechnique de l’île.

En somme, ni l’arrivée du premier jardinier officiel, ni la création du Muséum d’histoire naturelle de Saint-Denis au milieu du XIXe siècle, ne renseignent légitimement sur l’état des connaissances acquises en matière d’acclimatation dans la colonie. Tandis que les habitations de Joseph Hubert offrent un cadre de référence et de réflexion pertinent pour penser la science de l’acclimatement, pourquoi alors l’habitation a t-elle été tant dépréciée même par l’historiographie locale ?

L’erreur de séparer le « jardin » de « l’habitation »

Établir une généalogie commune entre l’habitation et le jardin d’acclimatation, c’est aussi se frotter à une autre histoire, celle du jardin créole inséparable de la case créole, un bien architectural légitimement patrimonialisé. Cette vision centrée sur l’habitat semble être le schéma explicatif qui domine l’analyse des jardins et pourrait avoir en partie brouillé la profondeur historique de cet objet d’étude. L’ethnologue Michel Watin propose par exemple d’appréhender le jardin créole en « considérant ensemble l’espace planté et l’espace construit : il apparaît effectivement que le rapport entre le jardin et la maison doit être envisagé dans cette dichotomie avant/arrière44 ». Cette configuration se trouve reprise par l’historien Jean-François Géraud : « l’espace avant est l’espace "vu", espace de la "mise en scène", l’espace arrière est celui des activités ménagères et triviales. En termes de jardin, l’avant est jardin d’agrément, l’arrière jardin potager45 ». Le plan de l’habitation de M. Périchon à la Rivière du Mât (Fig. 4) qu’utilise Jean-François Géraud sert alors à illustrer la véracité de cette affirmation en la rendant principalement valable pour le XIXe siècle.

Fig. 4 : Extrait du plan du cours de la rivière du Mât à l’île de Bourbon par M. Partiot, ingénieur en chef à l’Île de Bourbon

Fig. 4 : Extrait du plan du cours de la rivière du Mât à l’île de Bourbon par M. Partiot, ingénieur en chef à l’Île de Bourbon

Source : FR-ANOM-23DFC0147A, [ANOM Base Ulysse]

Dans un ouvrage photographique grand public intitulé L’art du jardin créole, l’anthropologue Isabelle Hoarau admet une nuance : « il semblerait qu’il existe depuis le début du peuplement de l’île, une distinction entre le petit jardin de case et celui des grandes demeures. Les influences ne sont pas les mêmes46 ». Mais dans les deux cas l’autrice envisage l’existence d’influences extérieures (jardins persans, jardins anglais ou à la française…) sans évoquer le régime foncier colonial dont est issue l’habitation. Dans cette perspective, le raffinement inhérent à l’art du jardin créole apparaît forcément incompatible avec la fonction productive de l’habitation perçue comme triviale.

Pourtant, dans son journal Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble ne fait pas de distinction lorsqu’il évoque les travaux agricoles, entre ses activités liées à la culture de la canne à sucre et ses autres plantations :

Ce matin, j’ai fait gratter l’encien jardin au-dessous de la plate-forme et j’y ai plenté du tabac. J’ai ensuite fait plenter un rang de cannes du païs le long de l’allée de lataniers après quoi je me suis mis à commencer un endroit pour mettre les poules à couver en remplacement de l’encien qui tombe en ruine. Le vent a un peu gâté le ris47.

Cette citation datée de l’année 1813 renvoie à une période transitoire où les paysages des demi-pentes de l’île ne sont pas encore ceux de la monoculture que nous connaissons aujourd’hui. Or, visuellement, la prégnance actuelle de la monoculture façonne trompeusement nos représentations du paysage passé, en délimitant spatialement les cultures dédiées à l’exportation des cultures vivrières réservées au jardin. En réalité, la grande prédominance des terres en friche sur les habitations et le modèle de la « micro caféterie48 » restent la règle pour les plantations du XVIIIe siècle. Aussi le système de l’économie de plantation n’est-il pas aussi omniprésent et totalisant qu’on ne l’a cru pour cette période49. Au XIXe siècle, la distinction entre le jardin et l’habitation semble déjà effective, comme le note Louis Maillard : « la canne à sucre et le jardinage étant les seules cultures du pays50 ».

Ce serait une erreur de vouloir systématiquement séparer spatialement cultures vivrières et cultures d’exportation51 ou d’appréhender ces travaux agricoles de façon dichotomique en imaginant que la monoculture du sucre a été partout et toujours hégémonique dans l’île. D’ailleurs, il est vrai que si les sources du fonds de la Compagnie des Indes passent progressivement sous silence les productions fruitières et vivrières (désormais reléguées aux activités de jardinage), ces dernières étaient néanmoins renseignées dans les premiers recensements (Fig. 5).

Fig. 5 : L’habitation d’Anne Caze

Fig. 5 : L’habitation d’Anne Caze

Source : ADR., C°767, Extrait du recensement de 1708, Anne Caze, f. 1 (prise de vue de l’auteur)

En outre, la vocation expérimentale des habitations bourbonnaises peut être retracée à travers les rapports que la Compagnie des Indes remet au gouverneur Pierre-Antoine Parat au début du XVIIIe siècle lesquels listent un ensemble d’espèces à acclimater utile à la colonie (où se retrouvent divers arbres à épices)52 (Fig. 6).

Fig. 6 : Extrait du rapport de la Compagnie des Indes orientales adressé au Sieur Parat en 1711

Fig. 6 : Extrait du rapport de la Compagnie des Indes orientales adressé au Sieur Parat en 1711

Source : « Mémoire sur l’Ile Bourbon adressé par la Compagnie des Indes au gouverneur Parat le 17 février 1711 », Recueil trimestriel, Saint-Denis, tome V, p. 207.

Preuve que certaines de ces introductions ont réussi, quelques noms sont entrés à la postérité : Julien Dalleau aurait introduit un premier giroflier à Bourbon53, Laurent Martin aurait multiplié les grains de Moka arrivés en 1718 (alors que toutes les autres semences avaient péri)54, Henri Hubert (le père de Joseph Hubert) aurait quant à lui rapporté sur l’île un premier cannelier55, etc.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la vocation expérimentale de l’habitation ne disparaît pas au XVIIIe siècle, ni au cours du XIXe siècle avec l’extension de la culture de la canne à sucre. Durant toute cette période, les expérimentations qui se pratiquent sur les habitations permettent de faire progresser le savoir colonial qui se propage dans les jardins botaniques et les stations d’essais fondés dans la colonie.

L’habitation : une parcelle d’expérimentation (organisée en système)

Durant le XVIIIe siècle, l’île de France supplante politiquement l’île Bourbon, Port-Louis est le nouveau centre politique qui administre les Mascareignes notamment parce qu’il est jugé plus accessible que Saint-Denis56. Ce transfert de pouvoir participe à déterminer le rôle d’île-grenier auquel est cantonnée l’île Bourbon, laquelle doit être capable (en prévoyance des « temps de guerre57 ») de substituer ses productions de café par celle des grains (les sources utilisent plus génériquement le terme de « légumes secs ») pour en approvisionner l’île-sœur58. Ainsi pendant un temps, le « bon air » et les terres du « bon pays » de l’île Bourbon, lesquels entretenaient sa réputation d’île paradisiaque dans la littérature de voyage dès le XVIIe siècle59, perdent de leur aura et l’île de France devient alors une nouvelle terre d’asile pour les projets d’acclimatation de la Compagnie des Indes60.

De fait, pour le XVIIIe siècle un détour par l’île de France s’impose pour mieux cerner la vocation expérimentale dévolue aux habitations mais aussi leur organisation dans un système de jardins pouvant fonctionner en complémentarité. Les deux plus célèbres habitations de l’île de France sont vraisemblablement celles de Monplaisir et du Réduit. La première est acquise par Mahé de La Bourdonnais en 1635, située dans le district de Pamplemousses, à partir de la décennie 1770, elle tire sa célébrité de la persévérance de l’intendant Pierre Poivre qui y réussit l’acclimatation du giroflier et du muscadier. La seconde habitation est située au nord du quartier de Moka, non loin de Port-Louis. À son origine en 174961, le Réduit est décrit comme un lieu d’agrément choisi par le gouverneur Barthélémy David (1711-1795) pour y placer les femmes de l’île en sûreté62. Cependant, en termes de renommée ces habitations suivent des trajectoires différentes. Moins valorisé que le jardin de Pamplemousses, le Réduit souffre d’une certaine disgrâce puisqu’il est le lieu où Jean-Baptiste Christian Fusée-Aublet (1723-1778) poursuit ses activités de botaniste après sa brouille avec Pierre Poivre au sujet des plantules d’arbres à épices qu’il aurait volontairement ébouillanté63. Par-delà ces rivalités, l’historiographie considère ces deux habitations comme des jardins botaniques, compte tenu du rang des administrateurs qui les mettent en valeur (La Bourdonnais, David, Poivre…) ou des qualités scientifiques des savants qui y travaillent (Commerson, Fusée-Aublet). Mais derrière la notoriété de ces habitations officielles se trouve une nébuleuse d’habitations plus privées et moins connues, qui ont pu pourtant jouer un rôle essentiel dans le succès de ces premiers jardins botaniques. Prenons pour exemple l’habitation de Mongoust de François Etienne Le Juge (v. 1710-1766), située à deux kilomètres de Monplaisir64 dans le quartier de Pamplemousses, ou encore celle de Palma appartenant à Joseph François de Cossigny (1736-1809) dans les Plaines de Willhems65. Ces deux habitations possèdent vraisemblablement les collections de plantes les plus riches de l’île de France, même si elles ne sont pas aussi populaires que Monplaisir et le Réduit. D’ailleurs, Cossigny entretient une certaine rancœur vis-à-vis des mérites trop facilement attribués selon lui à Nicolas Céré, le successeur de Pierre Poivre à Monplaisir, gratifié du titre de directeur du jardin du roi à l’île de France :

Quand je revins de l’Inde, à l’Ile de France, en 1759, tems où le Citoyen Céré, jeune encore, étoit en France pour son éducation, j’apportai dans cette Colonie, des graines exotiques que je remis au Citoyen Aublet. Il cultivoit déjà, depuis quelques années, les caneliers de Ceylan et de la Cochinchine, et le poivrier de la côte Malabarre. Je remis à ce Botaniste des gousses de Cacao66.

Notons que Céré est lui aussi propriétaire d’une habitation, celle de Belle-Eau, celle-ci comme celle de Mongoust et de Palma a très certainement participé à l’augmentation des collections du jardin du roi :

en 1767 [...] les vergers de Mongoust étaient déjà en plein rapport, et c’est de ses pépinières et de celles du Réduit que fut tiré un grand nombre d’arbres et de plantes rares qui constituèrent les premières unités des collections que rassembla par la suite, à Monplaisir, l’illustre intendant67.

Après 1810, l’île de France prend son nom actuel d’île Maurice et l’administration française recentre son attention sur l’île Bourbon/La Réunion. La réorganisation du plan de Saint-Denis sous l’administration de Guillaume-Léonard de Bellecombe et de l’ordonnateur Honoré de Crémont (1767-1773) prépare le terrain aux deux futurs jardiniers Nicolas Bréon (1817-1831) et son successeur Jean Michel Claude Richard (1831-1839) par le transfert du jardin du roi à l’extrémité haute de la rue Royale68. L’activité scientifique des jardins ne suit cependant pas une courbe ascendante, le jardin d’acclimatation du Mont-Saint-François est abandonné en 1829 et lesdits jardiniers n’hésitent d’ailleurs pas à dénoncer le manque de moyens mis à leur disposition, en regrettant l’âge d’or qu’ils disent avoir connu sous l’administration de Milius et Freycinet69. Par la suite, la période durant laquelle Richard a été directeur du jardin est aussi présentée comme une période faste70. Curieusement, lors de la fondation de la Société d’Acclimatation et d’Histoire naturelle de l’Ile de La Réunion en 1862, les scientifiques de cette société savante commentent le triste état dans lequel se trouve le jardin :

Par la suite de circonstances que nous n’avons pas à apprécier, cet établissement est tombé dans l’abandon le plus complet, malgré les efforts de son honorable directeur M. Richard. Il n’y a presque plus d’eau dans les bassins, l’un d’eux est même complètement à sec et ne sert plus qu’à recevoir les détritus de toutes sortes. La pépinière est envahie par les mauvaises herbes et les plantes périssent faute d’eau et de soins convenables. Tout est livré à l’abandon : les végétaux les plus précieux sont confondus avec des plantes vulgaires : les clôtures tombent en ruine71.

Rappelons qu’à sa création la Société d’Acclimatation ne dispose d’aucun jardin ou d’aucune pépinière centrale pour acclimater et multiplier animaux et végétaux, alors qu’elle est officiellement affiliée à la Société Impériale d’Acclimatation de Paris72. Elle organise ses distributions tant bien que mal en utilisant l’adresse de son Bureau et l’habitation de son président (Fig7).

Fig. 7 : Avis de distributions de graines de la Société d’Acclimatation entre 1863 et 1864

Fig. 7 : Avis de distributions de graines de la Société d’Acclimatation entre 1863 et 1864

Sources : ADR, 2PER120/1, Bulletin de la Société d’Acclimatation et d’Histoire naturelle de l’Ile de La Réunion, t. 1, n°4, octobre 1863, t. 2, n°2, avril 1864. Prises de vue de l’auteur.

Ce n’est qu’en 1865 qu’elle obtient en concession, pour une durée de 10 ans, une partie du jardin colonial de Saint-Denis73. Malgré ses débuts difficiles, la société s’engage à honorer les commandes des 416 membres qui ont adhéré après seulement deux mois d’existence74. En réalité, le comité directeur envisage très tôt l’île (dans son intégralité) comme terrain d’essais et a fortiori elle prévoit de s’appuyer sur les habitations de ses adhérents pour expérimenter différentes introductions adaptées aux différents micro-climats de la colonie :

Par l’échelle de température qu’offrent ses différentes altitudes, notre île se prête admirablement à l’œuvre que nous avons entreprise. Son histoire nous enseigne que tous les animaux et les végétaux utiles que nous possédons y ont été acclimatés75.

Toutefois, le Comité peine à répondre aux nombreuses sollicitations des membres qui se multiplient76, surtout lorsqu’il s’agit d’échanges volumineux : « M. Berg informe le Comité que M. Morange, propriétaire à St-Denis, offre à la Société un troupeau de cerfs. Remerciements77 ». Le mois suivant les membres sont informés de la réception de ce troupeau sur la propriété du futur président président Adrien Bellier :

Le Comité confie le troupeau de cerfs offert par M. Morange à M. Adrien Bellier qui le placera dans la forêt de sa propriété de la Rivière des roches. M. Patu de Rosemont demande un mâle et deux femelles qui lui sont accordés78.

En outre, les essais de pisciculture79 annoncés par les scientifiques de la Société d’Acclimatation suscitent l’enthousiasme des adhérents :

M. le Maire de Saint-Pierre annonce qu’il a fait construire sur une de ses propriétés des bassins pour la pisciculture, et demande à être compris dans la distribution des œufs que la société coloniale compte recevoir prochainement de France80.

Les espèces végétales ne sont pas en reste, Joseph Sosthènes de Chateauvieux multiplie l’eucalyptus81, tandis qu’Auguste Vinson participe à l’introduction du quinquina82. Ces deux espèces sont considérées comme utiles pour prévenir la diffusion de la fièvre paludéenne dans l’île83.

Une décennie plus tard, lorsque se crée la Station météorologique et agronomique de La Providence à Saint-Denis, le rôle de l’habitation comme jardin d’expérimentation reste d’actualité. Si son directeur, André Delteil, envisageait de reproduire les résultats concluants de la station sur des parcelles privées84, il prend vite conscience de la nécessité de solliciter des propriétaires situés dans diverses localités de l’île afin de tester l’efficacité de ses engrais et la viabilité des variétés de cannes sélectionnées en fonction des micro-climats existants. De plus, lorsque ses expériences sur la station dionysienne subissent des échecs répétés, il préfère mettre à l’honneur les réussites qu’il observe sur certaines habitations, jusqu’à considérer ces dernières comme des « pépinières d’amélioration » et de « perfectionnement » en reproduisant les méthodes du célèbre agronome Georges Ville (1824-1897)85. Ainsi, en 1879 après le passage d’un cyclone, le directeur de la Station entreprend son tour de l’île annuel au cours duquel il met par écrit ses observations de terrain pour ensuite les publier dans son bulletin mensuel. Après avoir déploré les nombreux ravages constatés sur les cultures vivrières et fruitières, il se convainc que la monoculture du sucre reste la seule alternative agricole viable pour l’île86. Il n’hésite pas à faire l’éloge des réussites aperçues sur certaines habitations qu’il souhaite ériger en modèle, comme ici à Saint-Leu :

Les cannes de la Surprise, à Saint-Leu, soutiennent avec avantage leur réputation. Le vent a couché les grandes cannes sans les casser. Les jeunes cannes sont toujours fort belles. Du reste, elles n’ont pas manqué de pluie ; et le sol si profond, si fertile de ces hautes régions ne demande qu’un peu d’humidité pour produire ces vigoureuses cannes qui devraient servir de pépinières pour reconstituer de bonnes espèces susceptibles de remplacer celles qui dégénèrent presque partout. Les bois-rouge blondes, les tamarins, les poudres d’or, les cannes rouges y atteignent un développement prodigieux. Il serait à souhaiter que les propriétaires des autres quartiers de l’île pussent puiser, dans cette région élevée, des boutures provenant de sujets aussi sains et aussi robustes87.

L’habitation est encore perçue comme une parcelle d’expérimentation à partir de laquelle se diffusent des connaissances et des pratiques agricoles, mais non exclusivement de façon unilatérale de la station d’essai vers les parcelles d’expérimentation, car le transfert peut se faire réciproquement de l’habitation vers la pépinière centrale ou directement vers d’autres habitations.

Par ailleurs, au début du XXe siècle, la mise à disposition d’un terrain prend parfois des formes plus contractuelles comme lors de la création de champs d’essais. Ainsi, en novembre 1910, Léon Chatel, le directeur de l’école d’agriculture, écrit au Chef du service de l’Instruction publique :

Les terres disponibles de la Providence pour nos essais agricoles étant de dimensions trop restreintes, à peine un hectare, nous avions songé depuis l’année dernière à créer dans les environs de St-Denis, un champ d’essais plus vaste, où devaient être essayées les cultures ayant donné de bons résultats sur nos parcelles de la Providence. Après bien des recherches, notre choix s’est porté sur les terrains dépendant de la propriété primat à la Rivière des Pluies à 7 km environ de St-Denis. Monsieur Ozoux, locataire par bail de cette propriété veut bien mettre à notre disposition sous certaines conditions énumérées dans le contrat que je vous adresse, 10 hectares de terres situées non loin de la route communale88

In fine, de nombreuses sources confirment l’existence de ce système de jardins fonctionnant en complémentarité les uns avec les autres, sans se limiter à des lieux de savoirs institutionnalisés et spatialement centrés sur le chef-lieu.

Conclusion : Un système de jardins fonctionnant en complémentarité avec les habitations

En définitive, une lecture trop européocentrée de l’habitation empêche de la placer dans la filiation du jardin botanique, ou d’un lieu de savoir. Cette dernière est avant tout perçue comme une unité de production locale et coloniale associée à l’économie de plantation. Pourtant, pour accomplir ses fonctions nourricière (cultures vivrières) et productive (cultures d’exportation) le terrain d’habitation expérimente nécessairement l’acclimatation de nouvelles espèces.

Au-delà de cette vocation de circonstance, cette situation fait tout de même de l’habitation un terrain d’avant-garde participant au recueil de connaissances et de savoir-faire agricoles produits dans la colonie. Une autre cause, cette fois-ci plus locale, a pu entraver la lecture de cette habitation protéiforme. D’abord, l’hégémonie de la monoculture de la canne à sucre laquelle nous incite, encore aujourd’hui, à séparer la partie « jardin » du reste de l’habitation. Mais cette extension de la canne à sucre sur de grandes surfaces agricoles n’a rien d’atemporel, elle peut être contextualisée (d’ailleurs d’autres modèles l’ont précédé : polyculture vivrière, caféiculture, arbres à épices, etc.). De ce processus résulte un rapprochement spatial entre l’espace attribué au jardin et celui de l’intimité de la case, mais pas seulement. D’un point de vue qualitatif, le jardinage est perçu comme un art honorable que pratiquent avec goût les maîtres89, en opposition au reste de l’habitation dédié à l’économie de plantation, devenu le pré carré de l’esclave.

Cependant, la porosité à l’œuvre entre les jardins botaniques officiels des Mascareignes (les « jardins du roi » de Pamplemousses puis de Saint-Denis, le jardin d’acclimatation du Mont Saint-François, la station agronomique de la Providence) et les habitations plus privées de petits et grands propriétaires, apporte la preuve de l’existence d’un « système de jardins fonctionnant en complémentarité », pour reprendre la formule de l’historienne Hélène Blais. Mais, ce système est rendu cohérent et intelligible non pas en mettant en corrélation deux établissements localisés dans le chef-lieu, mais à l’échelle de toute l’île par le biais d’interactions mutuelles et non exclusivement sous la forme d’un modèle centre /périphéries.

Les écrits de l’historienne américaine Londa Schiebinger sur la « bioprospection » dans l’espace caraïbe des XVIIe et XVIIIe siècles90 ou sur les transferts de « savoirs indigènes » entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique à partir des grands circuits de la traite négrière91 participent au renouvellement historiographique de ces habitations. Cependant, ces récits trans-impériaux ne mettent pas toujours suffisamment en évidence la dimension originale et singulière de ces lieux où se diffusent, à une échelle très locale, des savoirs et des pratiques d’une grande richesse.

1 Dans l’imaginaire collectif, l’expression « du battant des lames au sommet des montagnes » donne une idée de leur étendue mais aussi des

2 Jean Mas, Droit de propriété et paysage rural de l’île Bourbon – La Réunion, thèse de doctorat, Faculté de Droit et de Sciences Économiques, Paris

3 ADR, Fonds de la Compagnie des Indes, C°1921, Registre des concessions de 1790 à 1725.

4 Hai Quang Ho, Contribution à l’histoire économique de l’île de La Réunion (1642-1848), Paris, L’Harmattan, 1998, p. 15.

5 Dates de création des premiers jardins botaniques européens : Padoue (1545), Pise (1547), Leyde (1587), Montpellier (1593) et Heidelberg (1597).

6 James McClellan, Francois Regourd, « The Colonial Machine: French Science and Colonization in the Ancien Regime », dans Nature and Empire: Science

7 Etienne de Flacourt, Histoire de la Grande Isle Madagascar, Paris, impr. Gervais & Clovzier, 1661, pl. (entre les pages 254 et 255).

8 « Mardi, 2 juin (1671), après diner, l’amiral [Jacob de la Haye ] se rendit au lieu choisi pour faire quelque fortification. Il fit abattre tous les

9 « Enfin nous arrivâmes à l’habitation : c’est un lieu fort divertissant, situé sur le bord du même étang dont je viens de parler, ayant en face une

10 Dont l’existence est confirmée par la description de l’astronome et géographe Alexandre Guy Pingré (1711-1796) : « Les gouverneurs font cultiver à

11 Ce jardin du Bas de la Rivière est absent du plan de Saint-Denis dressé par Guyomar en 1742. En revanche le plan de Selhausen, daté de 1779

12 « La définition des jardins botaniques demeure jusqu’à aujourd’hui relativement large. […] Historiquement, l’objet peut être difficile à saisir car

13 « Dans l’empire français, les premiers jardins sont ceux des "anciennes colonies", aux Antilles ou dans l’océan Indien. Un jardin est fondé à

14 Louis Bouchard-Huzard, « Notes et mémoires sur M. J.-N. Bréon », Journal de la Société impériale et centrale d’horticulture, t. 10, janvier 1864, p

15 Cette vocation scientifique est exprimée par le commissaire civil Tirol dans une lettre du 10 décembre 1792 : « en attendant que le jardin de l’

16 « Moins systématique dans les colonies françaises, l’idée d’un système de jardin n’en est pas moins présente. Évoquant la complémentarité du jardin

17 Les recherches de ces dernières décennies décloisonnent (avec raison) ces « lieux de savoir » en insistant sur la diversité des matériaux au

18 Dès l’origine de la colonisation de l’île, les agents de la Compagnie des Indes s’octroient des habitations pouvant garder un caractère d’utilité

19 « L’importation la plus considérable d’arbres fruitiers faite dans cette île, est celle qui eut lieu en 1817. Lorsque M. Marchant, qui avait été

20 « En venant dans la Colonie je m’étais flatté que vous pourriez accepter les fonctions de Directeur honoraire du jardin botanique que nous nous

21 Expédition scientifique française composée des équipages du Géographe et du Naturaliste placés sous le commandement de Nicolas Baudin (1754-1803).

22 La Société des Sciences et Arts de l’Ile de La Réunion fondée en 1855 (avec le Muséum de Saint-Denis) est considérée à tort comme la première

23 La création du comité d’agriculture est parue au Journal officiel de l’île Bourbon du 10 septembre 1818 en application d’une ordonnance royale

24 L’objet de la société philotechnique est publié au Journal officiel en août 1820 : « Les travaux de la société auront pour objet de répandre dans

25 « je compte fonder dans l’hôtel même cette société composée des hommes les plus éclairés de la colonie, aura pour objet de propager les lumières

26 « Bréon est parti sous le vent, je ne sais quand il reviendra, et son frère qui est resté aux deux jardins, & qui est un brave garçon, n’est qu’un

27 « j’approche de 74 ans [...] je suis sujet à deux maladies dont les crises se rapprochent », ADR, 4J28, Lettre de Joseph Hubert à Milius, datée du

28 Il est néanmoins l’auteur d’un mémoire pour la société philotechnique (cf. infra). En revanche le Hubert devenu membre du Comité consultatif d’

29 Jean-Paul Morel exprime des doutes sur le premier voyage de Hubert à l’Isle de France et sur la réalité de sa rencontre avec Pierre Poivre, dans

30 Successeur de Pierre Poivre à Monplaisir devenu « jardin du roi » de l’île de France, lequel correspond aujourd’hui au jardin botanique Sir

31 « Parmi Mrs les Bourbonnais qui m’ont écrit, il faut distinguer Mrs Desforges Boucher, Fréon, Le Comte, Hubert, je sçais par eux le soin que vous

32 « Je vous loue très fort d’avoir partagé ce que vous aviés apporté avec Mrs Le Comte et Hubert ; et puisqu’il en est ainsi quand j’adresserai

33 « Si la greffe en approche n’eût pas réussi, j’aurais dirigé mes recherches d’un autre côté. J’avais remarqué que les noix provenant d’un même

34 « J’avais proposé le nom de Nouvelles-Moluques pour le nouveau quartier, ayant le projet d’y propager les épiceries ; mais le Conseil terrier, dont

35 ADR (salle de lecture), Bulletin officiel, Ordonnance du 22 mai 1816.

36 Naturaliste français, il participe à la fondation de la Société linnéenne de Paris en 1787 et succède à André Thouin à la chaire de culture du

37 « Monsieur, Conformément à vos désirs, je vous ai proposé pour correspondant à la Société royale d’Agriculture de cette ville, à la Société

38 ADR, 2PER320/1, Gabriel Couturier, « Eloge de Joseph Hubert », dans Bulletin de la Société des Sciences et des Arts de l’île de La Réunion

39 Le volume 2 de son Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique est largement consacré à Joseph Hubert.

40 D’après Bory de Saint-Vincent cette plante, vraisemblablement originaire de Madagascar, est nommée Arum cordifolium (littéralement « feuilles à

41 « Mémoire sur la chaleur naturelle des fleurs d’une espèce d’Arum indigène, à l’île de la Réunion », dans Mémoires des sociétés savantes et

42 « Lexperience est la base de nos connoissance, et l’ananogie (sic) en est le premier instrument. Tous deux peuvent nous donner des certitudes a peu

43 « Il ne faut pas qu’ils s’abusent et comptent trop sur l’espoir qui m’a trompé longtemps, d’acclimater et de naturaliser en rapprochant, par des

44 Michel Watin, « L’organisation de l’espace domestique créole. Une approche antropologique », dans Les jardins : organisation de l’espace et

45 Jean-François Géraud, Les maîtres du sucre. Île Bourbon 1810-1848..., Saint-Denis, Océan Editions, Région Réunion et CRESOI, 2013, p. 120.

46 Isabelle Hoarau, L’art du jardin créole, Paris, Orphie, 2005, p. 37.

47 Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble, Journal d’un colon de l’île Bourbon, t. 1 (1811-1825), texte établi par Norbert Dodille et ses étudiants, L’

48 Robert Bousquet, Les Esclaves Et Leurs Maitres a Bourbon (La Reunion), Au Temps De La Compagnie Des Indes. 1665-1767. vol. 2, p. 132.

49 Claude Wanquet, « Le café à la Réunion une "civilisation disparue" », dans Claude Wanquet (dir.), Fragments pour une histoire des économies et

50 Louis Maillard, Notes sur l’île de La Réunion (Première partie), Paris, Dentu Editeur, 1862, p. 150.

51 Rappelons aussi que la méthode « dite Desbassyns » (inspirée des pratiques du père Labat aux Antilles) incite les sucriers à mettre en repos la

52 « Mémoire sur l’Ile Bourbon adressé par la Compagnie des Indes au gouverneur Parat le 17 février 1711 », dans Recueil trimestriel, Saint-Denis

53 Albert Lougnon, L’île Bourbon pendant la régence. Desforges Boucher les débuts de café, Paris Ed. Larose, 1956, p. 64.

54 Isidore Guët, Les origines de l’île Bourbon et de la colonisation française à Madagascar, Paris, Éditeur Charles Bayle, 1888, p. 273.

55 Émile Trouette, Papiers de Joseph… op. cit., p. 14.

56 Le difficile accès aux côtes de l’île Bourbon a été déterminant dans le choix de la Compagnie d’établir un centre politique à Port-Louis plutôt qu’

57 « la recette de tous les grains promis au cultivateur en tems de paix assure les subsistances en tems de guerre pour nos escadres et l’Isle de

58 Ce rôle de grenier est déjà formulé par le gouverneur Mahé de La Bourdonnais au milieu de la décennie 1730, dans Albert Lougnon, Mahé de La

59 Le titre de la relation d’Henri Duquesne est à cet égard assez explicite : Recueil de quelques mémoires servant d’instruction pour l’établissement

60 Par une lettre du 26 mars 1646, la Compagnie française des Indes orientales missionne Pierre Poivre pour rompre le monopole hollandais sur les

61 « Ce fut, dit-on, M. David, le successeur de notre bon La Bourdonnais, qui fonda, en 1749, la campagne du Réduit », Louis Bouton, « Le Réduit et

62 « C’est M. de La Bourdonnais qui a formé le jardin des Pamplemousses [...] Celui du Réduit, commencé en 1749 ou 1750, doit naissance à M. David

63 Jean-Paul Morel nuance la thèse selon laquelle Fusée-Aublet ne serait qu’un simple agent à la solde de Duveläer (le nouveau directeur de la

64 « En 1763, il avait planté près de 800 arbres, représentant environ 50 espèces, pour la plupart adultes et dont plusieurs en rapport et d’autres au

65 De part le réseau de connaissances qu’il s’est créé après avoir officié en Inde il se targue d’avoir acclimaté à l’île de France une multitude d’

66 A.N. Col F/3/162., voir Base Poivre de Jean-Paul Morel : http://www.pierre-poivre.fr/doc-99-1-10.pdf consulté le 20/01/2021, p. 1-4.

67 René Le Juge Segrais, « L’ancien Jardin du Roi le Monplaisir, à l’Isle de France », dans Recueil Trimestriel... op. cit., Livre 1, p. 442.

68 Il est question d’établir le long de cette rue de places publiques réservées à la promenade, ADR, 24A, 1772, Règlement pour l’établissement, les

69 « Monsieur le Directeur, pour vous dire que sous les gouvernements de Monsieur Milius et de Monsieur Freycinet, le jardin du Roi à Bourbon

70 « Du temps de M. Richard, jardinier botaniste, et son catalogue du reste en fait foi, ce Jardin renfermait toutes les espèces utiles […] Il était

71 ADR, 2PER120/1, Dr. Charles Coquerel, « Rapport de la Commision chargée d’examiner les questions relatives à la formation d’un Jardin d’

72 « La Société Impériale d’acclimatation accroît partout le domaine de l’agriculture en répandant des graines nombreuses de toutes les espèces de

73 « En 1865, le gouverneur Dupré concède la jouissance de ce jardin public pour dix ans à la Société d’Acclimatation d’Histoire Naturelle de La

74 « Dès le principe, et à l’origine de la Société, nous nous sommes bornés à distribuer aux sociétaires les graines qui nous ont été adressées par la

75 ADR, 2PER120/1, Achille Berg, « But que se propose la Société d’Acclimatation », ibid., t. 1, n° 1, janvier 1863, p. 25.

76 Liste nominative de chaque membre publiée sur 14 pages, ADR, 2PER120/1, ibid., t. 1, n° 2, avril 1863, p. 41-54.

77 ADR, 2PER120/1, « Procès-verbal du 11 novembre 1862 », ibid., t. 1, n° 1, janvier 1863, p. 31.

78 Ibid., p. 32.

79 « La rareté du poisson dans nos eaux courantes, nos viviers et nos étangs, les conditions particulières de notre régime alimentaire si défectueux

80 ADR, 2PER120/1, « Procès-verbal de la séance du 5 janvier 1863 », Bulletin de la Société d’Acclimatation... op. cit., t. 1, n° 2, avril 1863, p. 88

81 « N’oublions pas de mentionner l’introduction dans la colonie, grâce à M. Muëller, de l’Eucalyptus globulus, ce géant de la végétation, dont la

82 « Le quinquina est acclimaté à la Réunion, cela est incontestable. Ce que l’initiative privée et les courageux et constants efforts de MM. Vinson

83 Paul Bories, « La Fièvre », Le Journal du Commerce, du 2 et 11 novembre 1870, p. 1-2.

84 « Toutes ces expériences vont être pratiquées sur le terrain de la Providence, annexé à la Station. Il sera installé de façon à servir de modèle à

85 « La seconde méthode consisterait à établir soit sur chaque habitation, soit en un lieu déterminé, des pépinières que G. Ville appelle Pépinières d

86 « Nous voilà donc encore une fois ravagés par un cyclone. Toutes nos plantations vivrières telles que maïs, haricots, manioc, etc. ont été à peu

87 Ibid., avril 1879, p. 7-8.

88 ADR, 4T42, Acquisitions du Muséum d’Histoire naturelle de Saint-Denis. N.B. : La réponse du Chef du Service de l’Instruction publique, au 1er

89 Jean-François Géraud, Les maîtres du sucre… op. cit., p. 120.

90 Londa Schiebinger, Plants and Empire. Colonial Bioprospecting in the Atlantic World, Cambridge (Mass.) & Londres, Harvard University Press, 20

91 Londa Schiebinger, Secret Cures of Slaves. People, Plants, and Medicine in the Eighteenth-Century Atlantic World, Standford University Press, 2017

1 Dans l’imaginaire collectif, l’expression « du battant des lames au sommet des montagnes » donne une idée de leur étendue mais aussi des approximations qui pèsent sur des limites fixées au jugé visuel.

2 Jean Mas, Droit de propriété et paysage rural de l’île Bourbon – La Réunion, thèse de doctorat, Faculté de Droit et de Sciences Économiques, Paris, 1971, p. 57.

3 ADR, Fonds de la Compagnie des Indes, C°1921, Registre des concessions de 1790 à 1725.

4 Hai Quang Ho, Contribution à l’histoire économique de l’île de La Réunion (1642-1848), Paris, L’Harmattan, 1998, p. 15.

5 Dates de création des premiers jardins botaniques européens : Padoue (1545), Pise (1547), Leyde (1587), Montpellier (1593) et Heidelberg (1597).

6 James McClellan, Francois Regourd, « The Colonial Machine: French Science and Colonization in the Ancien Regime », dans Nature and Empire: Science and the Colonial Enterprise, Osiris, University of Chicago Press, 2001, 15 (31-50), p. 3.

7 Etienne de Flacourt, Histoire de la Grande Isle Madagascar, Paris, impr. Gervais & Clovzier, 1661, pl. (entre les pages 254 et 255).

8 « Mardi, 2 juin (1671), après diner, l’amiral [Jacob de la Haye ] se rendit au lieu choisi pour faire quelque fortification. Il fit abattre tous les arbres qui pouvaient empêcher les alignements de la place, par trente matelots, avec les haches. Mercredi, 3 juin, il continua à faire abattre les arbres dans le circuit de la place et acheva d’y tracer un pentagone parfait ; mit des piquets à tous les angles, fit tracer le plan sur une pierre, la mit au centre de la place bien orientée ; fit tout reconnaître au sieur de la Hure, en lui donnant un plan pour l’exécuter, quand il en recevrait les ordres », Journal de bord du vaisseau Le Navarre, cité par Albert Lougnon, Sous le signe de la tortue : voyages anciens à l’île Bourbon (1611-1725), Paris, Orphie, réed. 2005, p. 119-120.

9 « Enfin nous arrivâmes à l’habitation : c’est un lieu fort divertissant, situé sur le bord du même étang dont je viens de parler, ayant en face une prairie qui récrée la vue par sa verdure et qui est remplie de toute sorte de gibier, et en si grande quantité qu’il entrait jusque dans les maisons : nous étions accoutumés à voir les oiseaux venir manger sur notre table. Monsieur Regnault commandant dans l’île pour le service de messieurs de la Compagnie des Indes Orientales nous reçu parfaitement bien. Il lui fut aisé de nous bien régaler, puisque tout y était pour rien en abondance. Nous fûmes deux jours dans l’habitation à nous reposer », Souchu de Rennefort (1665) cité par Albert Lougnon, Sous le signe… op. cit., p. 31.

10 Dont l’existence est confirmée par la description de l’astronome et géographe Alexandre Guy Pingré (1711-1796) : « Les gouverneurs font cultiver à quelque distance du gouvernement un grand jardin connu sous le nom de Jardin de la Compagnie. Je ne sais si ce jardin est directement utile à la Compagnie, mais je sais au moins, en général, que la Compagnie a dans l’île de Bourbon des possessions plus réelles qu’à l’île de France. Ce jardin, ainsi que plusieurs autres jardins de particuliers dans l’île, abonde en fruits et en légumes », Alexandre-Guy Pingré, Voyage à Rodrigue, Le transit de Vénus de 1761. La mission astronomique de l’abbé Pingré dans l’océan Indien, Cahors, Bibliothèque Universitaire Francophone, Texte inédit d’après les manuscrits présentés par Sophie Hoarau, Marie-Pauline Janiçon & Jean-Michel Racault, p. 244.

11 Ce jardin du Bas de la Rivière est absent du plan de Saint-Denis dressé par Guyomar en 1742. En revanche le plan de Selhausen, daté de 1779, présente deux jardins : celui du Bas de la Rivière (devenu privé) et celui situé dans la partie haute de la ville à l’emplacement de l’actuel Jardin de l’État. Comme date de création de ce dernier, le géographe Mario Serviable avance l’année 1772 : « En 1772, à la lisière de la ville de Saint-Denis, à l’extrémité de la rue Royale, et à proximité de l’eau du Ruisseau des Noirs et des bassins de La Source, l’Ordonnateur de Crémont décida d’aménager un Jardin pour l’acclimatation des plantes exotiques utiles et pour l’agrément de la population. Il abandonna le Jardin de la Compagnie situé dans le Bas de la Rivière », Mario Serviable (dir.), La Pomologie réunionnaise. Fragments d’une histoire de l’acclimatation des fruits, Saint-André, impr. Graphica, 2017, p. 110.

12 « La définition des jardins botaniques demeure jusqu’à aujourd’hui relativement large. […] Historiquement, l’objet peut être difficile à saisir car son nom n’est pas universel. Au XIXe siècle, dans les empires coloniaux, on trouve des "jardins botaniques" […], des "jardins d’essai (s)", des "jardins des plantes", des "pépinières", des "jardins d’acclimatation", des "stations botaniques", "d’essai" ou "expérimentales" : chaque époque et chaque nation ont leur manière de dire. Les statuts et modes de gouvernance expliquent aussi des statuts différents », Hélène Blais, L’empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux (fin XVIIIe siècle-années 1930), Clamecy, Ed. Champ Vallon, 2023, p. 8-9.

13 « Dans l’empire français, les premiers jardins sont ceux des "anciennes colonies", aux Antilles ou dans l’océan Indien. Un jardin est fondé à Port-au-Prince en 1784, un autre à Cayenne en 1790, à Saint-Denis de la Réunion en 1817, et au Sénégal au même moment. », ibid., p. 26 (cf. tableau p. 356-357).

14 Louis Bouchard-Huzard, « Notes et mémoires sur M. J.-N. Bréon », Journal de la Société impériale et centrale d’horticulture, t. 10, janvier 1864, p. 654.

15 Cette vocation scientifique est exprimée par le commissaire civil Tirol dans une lettre du 10 décembre 1792 : « en attendant que le jardin de l’Intendance serve à l’établissement d’un collège national, j’ai l’honneur de requérir de vous qu’il en soit fait un jardin de toutes les plantes que l’île Bourbon peut offrir à l’histoire naturelle », Émile Trouette, L’île Bourbon pendant la Période Révolutionnaire de 1789 à 1803, t. 1, Paris, Challamel,1888, p. 36.

16 « Moins systématique dans les colonies françaises, l’idée d’un système de jardin n’en est pas moins présente. Évoquant la complémentarité du jardin du Mont Saint-François, pour les naturalisations d’altitude et du jardin botanique de Saint-Denis de la Réunion, créé en 1817 », Hélène Blais, L’empire de la nature… op. cit., p. 48.

17 Les recherches de ces dernières décennies décloisonnent (avec raison) ces « lieux de savoir » en insistant sur la diversité des matériaux au fondement même de leur dimension institutionnelle : « Les lieux de savoir peuvent être à la fois des villes, des bâtiments, des salles à l’intérieur de ces bâtiments, un dispositif mobilier à l’intérieur de cette salle, comme une table ou des étagères. Ce sont également des objets matériels : livres, tableaux noirs, instruments, collection d’échantillons, carnets, ordinateurs, éléments de décoration. Ce sont aussi des inscriptions particulières, schémas, notes, tableaux, cartes, formules mathématiques, frontispice de livre. Ce sont enfin des lieux construits autour d’un certain type d’interactions : enseignement, démonstration, exposition, débat, controverse, examen... », Bertrand Müller, « Les lieux de savoir : un entretien avec Christian Jacob », dans Genèses 2009/3 (n° 76), p. 126. 

18 Dès l’origine de la colonisation de l’île, les agents de la Compagnie des Indes s’octroient des habitations pouvant garder un caractère d’utilité publique, alors même que l’entreprise de « mise en valeur des terres » est présentée dans les contrats de concession comme un moyen de garantir « l’ordre » dans la colonie et par la suite comme un instrument de pouvoir permettant la sauvegarde du « bien public », notamment par le versement de redevances en nature.

19 « L’importation la plus considérable d’arbres fruitiers faite dans cette île, est celle qui eut lieu en 1817. Lorsque M. Marchant, qui avait été sous-préfet de Bourbon avant la conquête, en fut nommé ordonnateur lors de la rétrocession en 1814, il obtint du gouvernement une ample collection d’arbres fruitiers. M. Bosc, inspecteur des pépinières du Luxembourg, voulut bien présider lui-même au choix des plants. Ils furent expédiés de Paris sur le Havre, où les évènements de 1815 les retinrent long-temps. M. le baron Desbassyns de Richemont, nommé en 1816 successeur de M. Marchant, s’occupa avec intérêt de cet envoi presque oublié. On le transporta du Havre à Rochefort où il fut embarqué sur les flûtes le Golo et la Normande. M. N. Bréon, élève du muséum de Paris, et auquel devait être confiée la direction du jardin du roi dans la colonie, fut chargé de l’accompagner. Les deux bâtimens arrivèrent au mois de juin, c’est-à-dire dans la saison froide ; un habitant, M. Greslan, offrit au gouvernement un terrain dont il était propriétaire, au mont Saint-François, dans les hauts de Saint-Denis. Les arbres européens y furent transportés. Cet emplacement est élevé de 296 toises au-dessus du niveau de la mer ; sa température habituelle est de 12 à 14° de Réaumur », Pierre Philippe Urbain Thomas, Essai de statistique de l’île Bourbon, t. 2, Paris, 1828, p. 90.

20 « En venant dans la Colonie je m’étais flatté que vous pourriez accepter les fonctions de Directeur honoraire du jardin botanique que nous nous proposons de former ici et j’ai été chargé par le Ministre de vous offrir cette preuve d’estime et de confiance, mais je crains bien que l’impossibilité où vous êtes de vous déplacer souvent, ne vous permett[e] pas de rendre ce nouveau service à la Colonie. Si mes craintes sont fondées, j’ose espérer au moins que vous voudrez bien m’indiquer une personne capable de surveiller et diriger les travaux de cet établissement qui peut devenir d’un bon grand intérêt pour cette île. Veuillez recevoir, Monsieur, l’assurance de mes sincères attachements et de ma considération toute particulière. Desbassayns de Richemont.Saint-Denis le 30 août 1817 », ADR, .4J53, f1. N.B. : cette année est aussi celle de l’introduction de la première machine à vapeur dans l’île sur l’habitation sucrière de Charles Desbassayns (le frère de Philippe de Richemont et de l’ingénieur-agronome Joseph Desbassayns) au Chaudron.

21 Expédition scientifique française composée des équipages du Géographe et du Naturaliste placés sous le commandement de Nicolas Baudin (1754-1803). Ce voyage partit du Havre en 1800 pour atteindre la Nouvelle-Hollande (actuelle Australie) en 1802 a permis de cartographier des terres encore mal connues des Européens au sud de l’océan Indien et de collecter de nouvelles espèces utiles à l’histoire naturelle.

22 La Société des Sciences et Arts de l’Ile de La Réunion fondée en 1855 (avec le Muséum de Saint-Denis) est considérée à tort comme la première société savante de l’île. Pierre Singaravélou est aussi victime de cette erreur, dans Pierre Singaravélou, Professer l’empire. Les « sciences coloniales » en France sous la IIIe République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2017, p. 139 (tableau).

23 La création du comité d’agriculture est parue au Journal officiel de l’île Bourbon du 10 septembre 1818 en application d’une ordonnance royale datée du 13 novembre 1816.

24 L’objet de la société philotechnique est publié au Journal officiel en août 1820 : « Les travaux de la société auront pour objet de répandre dans la colonie le goût des arts et des sciences, d’y propager les connaissances utiles et d’y introduire les machines qui économisent l’emploi des forces de l’homme, ainsi que les procédés propres à améliorer l’agriculture », d’après l’ordonnance du 6 août 1820, dans Bulletin Officiel de l’île Bourbon, 1820-1824, p. 81-83.

25 « je compte fonder dans l’hôtel même cette société composée des hommes les plus éclairés de la colonie, aura pour objet de propager les lumières acquises sur tous les arts mécaniques et notamment sur l’agriculture. Je me flatte Monsieur que vous voudrez bien vous réunir à nous pour faire prospérer ce nouvel établissement dont la colonie est destinée recueillir tout le fruit. La société se glorifiera de vous compter au nombre de ses membres les plus distingués », ADR, 4J28, Lettre de Milius à Joseph Hubert, datée du 17 novembre 1819, f.1.

26 « Bréon est parti sous le vent, je ne sais quand il reviendra, et son frère qui est resté aux deux jardins, & qui est un brave garçon, n’est qu’un garçon jardinier », ADR, 4J20, Lettre de Thomas à Joseph Hubert, Saint-Denis, datée du 15 avril 1819.

27 « j’approche de 74 ans [...] je suis sujet à deux maladies dont les crises se rapprochent », ADR, 4J28, Lettre de Joseph Hubert à Milius, datée du 30 juillet 1820, f.1.

28 Il est néanmoins l’auteur d’un mémoire pour la société philotechnique (cf. infra). En revanche le Hubert devenu membre du Comité consultatif d’agriculture et de commerce n’est pas Joseph Hubert mais son frère Hubert Monfleury avec lequel il est souvent confondu. Ce dernier étant présenté comme « l’agriculteur le plus instruit et le plus désintéressé de Bourbon », y aurait-il eu rivalité (ou un amalgame possible) entre les deux hommes ?, A.D.R., 7M2.

29 Jean-Paul Morel exprime des doutes sur le premier voyage de Hubert à l’Isle de France et sur la réalité de sa rencontre avec Pierre Poivre, dans Jean-Paul Morel, Sur la vie de Monsieur Poivre. Une légende revisitée 1719-1786, Saint-Just-la-pendue, impr. Chirat, 2018, p. 427.

30 Successeur de Pierre Poivre à Monplaisir devenu « jardin du roi » de l’île de France, lequel correspond aujourd’hui au jardin botanique Sir Seewoosagur Ramgoolam dans le district de Pamplemousses.

31 « Parmi Mrs les Bourbonnais qui m’ont écrit, il faut distinguer Mrs Desforges Boucher, Fréon, Le Comte, Hubert, je sçais par eux le soin que vous avés bien voulu prendre vous même, Mon Général, de la distribution des premières baies de giroflier. Le deuxième envoy n’aura pu suffire à contenter tout le monde vraisemblablement, aussi m’en demande t’on, je réponds à M. Desforges que c’est à vous que j’ai l’honneur d’adresser sa part, que la petite caisse est à l’adresse de M. le Cte de St Maurice », Lettre de Céré à Souillac, datée du 4 juin 1779, dans Madeleine Ly-Tio-Fane, The Triumph of Jean Nicolas CÉRÉ and His Isle Bourbon Collaborators, Mouton & Co., 1970, p. 165.

32 « Je vous loue très fort d’avoir partagé ce que vous aviés apporté avec Mrs Le Comte et Hubert ; et puisqu’il en est ainsi quand j’adresserai désormais quelque chose à un de vous 3 je croirai l’envoyer à tous. Je viens de recevoir 16 pages d’écritures en 2 lettres de M. Hubert et je me suis hâté de lui répondre en 5. Il falloit bien l’assurer au plutot que son fameux arbre enlevé étoit un vrai mangoustan. D’après un effort semblable, si je venois à mourir, je le ferois mon légataire universel pour cette partie et il auroit la bonté de venir être le directeur des richesses du Jardin du Roi et de tout ce qui s’ensuit », Lettre de Céré à Fréon, datée du 11 septembre 1779, ibid., p. 170.

33 « Si la greffe en approche n’eût pas réussi, j’aurais dirigé mes recherches d’un autre côté. J’avais remarqué que les noix provenant d’un même arbre donnaient plus de moitié de femelles ; et que d’autres donnaient 4 à 5 fois plus de mâles. J’espérais qu’on pourrait s’assurer que certains arbres donnaient plus de femelles, comme on le remarque dans certaines femelles d’animaux », Émile Trouette, Papiers de Joseph Hubert, Saint-Denis, Lahuppe Editions, 1881, p. 202.

34 « J’avais proposé le nom de Nouvelles-Moluques pour le nouveau quartier, ayant le projet d’y propager les épiceries ; mais le Conseil terrier, dont les arrêts sont irrévocables, l’a nommé Saint-Joseph, du prénom de M. de Souville, alors commandant ici, qui a créé ce quartier, à quoi j’ai souscrit avec plaisir ; c’est lui qui m’en a nommé le commandant », Émile Trouette, Ibid., p. 57.

35 ADR (salle de lecture), Bulletin officiel, Ordonnance du 22 mai 1816.

36 Naturaliste français, il participe à la fondation de la Société linnéenne de Paris en 1787 et succède à André Thouin à la chaire de culture du Muséum national d’histoire naturelle en 1825. Il est le protecteur de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent.

37 « Monsieur, Conformément à vos désirs, je vous ai proposé pour correspondant à la Société royale d’Agriculture de cette ville, à la Société philomathique et à l’Institut. Vous avez été admis dans les deux premières, et vous devez espérer de l’être un jour à l’Institut, où le nombre est très-restreint (six pour l’agriculture), et où on a par conséquent un plus grand nombre de concurrents », Lettre de Bosc écrite à Paris et adressée à Hubert, datée du 7 janvier 1817, citée par Émile Trouette, Papiers de...op. cit., p. 256.

38 ADR, 2PER320/1, Gabriel Couturier, « Eloge de Joseph Hubert », dans Bulletin de la Société des Sciences et des Arts de l’île de La Réunion, Saint-Denis,1856, p. 76.

39 Le volume 2 de son Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique est largement consacré à Joseph Hubert.

40 D’après Bory de Saint-Vincent cette plante, vraisemblablement originaire de Madagascar, est nommée Arum cordifolium (littéralement « feuilles à formes de cœur »), Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique : fait par ordre du gouvernement pendant les années neuf et dix de la République (1801 et 1802). Paris, 1804, t. 2, note de bas de page, p. 67.

41 « Mémoire sur la chaleur naturelle des fleurs d’une espèce d’Arum indigène, à l’île de la Réunion », dans Mémoires des sociétés savantes et littéraires de la République française. Paris, Messidor, n° Ier, 1801, p. 336-350.

42 « Lexperience est la base de nos connoissance, et l’ananogie (sic) en est le premier instrument. Tous deux peuvent nous donner des certitudes a peu prés egales […] Lanalogie est quelques fois l’oreillé de la paresse », ADR, 4J4, cahier n° 2, p. 12 & p. 56.

43 « Il ne faut pas qu’ils s’abusent et comptent trop sur l’espoir qui m’a trompé longtemps, d’acclimater et de naturaliser en rapprochant, par des générations successives, des arbres de régions de différentes températures », A.D.R., 4J68, Mémoire sur le choix des lieux et des positions convenables à la culture des plantes nouvellement portées dans cette Colonie, et sur le moyen de nous préserver des insectes et des mauvaises herbes qui pourraient s’introduire avec elles, lu à la Société philotechnique par M. Joseph Hubert (7 pages), voir aussi Émile Trouette, Papiers de... op. cit., p. 232-234.

44 Michel Watin, « L’organisation de l’espace domestique créole. Une approche antropologique », dans Les jardins : organisation de l’espace et construction du paysage, Actes du colloque organisé par la Maison Française du Meuble Créole, Saint-Gilles, novembre 1994, Ed. CNH Les Cahiers de notre Histoire, mars 1998, p. 90.

45 Jean-François Géraud, Les maîtres du sucre. Île Bourbon 1810-1848..., Saint-Denis, Océan Editions, Région Réunion et CRESOI, 2013, p. 120.

46 Isabelle Hoarau, L’art du jardin créole, Paris, Orphie, 2005, p. 37.

47 Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble, Journal d’un colon de l’île Bourbon, t. 1 (1811-1825), texte établi par Norbert Dodille et ses étudiants, L’Harmattan, 1990, p. 103. N.B. : citation datée du vendredi 19 février 1813.

48 Robert Bousquet, Les Esclaves Et Leurs Maitres a Bourbon (La Reunion), Au Temps De La Compagnie Des Indes. 1665-1767. vol. 2, p. 132.

49 Claude Wanquet, « Le café à la Réunion une "civilisation disparue" », dans Claude Wanquet (dir.), Fragments pour une histoire des économies et sociétés de plantation à la Réunion, Saint-Denis, Publications de l’Université de La Réunion, 1988, 351 p.

50 Louis Maillard, Notes sur l’île de La Réunion (Première partie), Paris, Dentu Editeur, 1862, p. 150.

51 Rappelons aussi que la méthode « dite Desbassyns » (inspirée des pratiques du père Labat aux Antilles) incite les sucriers à mettre en repos la terre en y associant des cultures vivrières. « Cet assolement consiste à laisser à la terre qui a produit des cannes à sucre quatre années de repos après quatre années de production. Durant ces quatre années de repos, la terre doit être couverte avec d’autres plantes, maïs, pois, manioc ou embrevades », ADR, 7M58, dans Xavier Le Terrier, Entre croissance et crise : l’agriculture cannière et l’industrie sucrière à La Réunion au cours de la seconde moitié du XIXe siècle (1848- 1914), thèse soutenue en 2008 à l’Université de La Réunion, p. 38.

52 « Mémoire sur l’Ile Bourbon adressé par la Compagnie des Indes au gouverneur Parat le 17 février 1711 », dans Recueil trimestriel, Saint-Denis, impr. Drouhet, t. 5, p. 207.

53 Albert Lougnon, L’île Bourbon pendant la régence. Desforges Boucher les débuts de café, Paris Ed. Larose, 1956, p. 64.

54 Isidore Guët, Les origines de l’île Bourbon et de la colonisation française à Madagascar, Paris, Éditeur Charles Bayle, 1888, p. 273.

55 Émile Trouette, Papiers de Joseph… op. cit., p. 14.

56 Le difficile accès aux côtes de l’île Bourbon a été déterminant dans le choix de la Compagnie d’établir un centre politique à Port-Louis plutôt qu’à Saint-Denis. Voir Auguste Toussaint, Histoire des îles Mascareignes. Paris, Ed. Berger-Levrault, 1972, p. 86-87.

57 « la recette de tous les grains promis au cultivateur en tems de paix assure les subsistances en tems de guerre pour nos escadres et l’Isle de Bourbon devient pour l’Isle de France une mère nourrice qui ne la laissera point manquer », ADR, Période royale, 20C, 1770, Fragment d’un mémoire concernant l’agriculture, l’élevage, l’industrie, le commerce..., entrée « Grains », f. 27. N.B. : Mémoire partiellement conservé, attribué aux administrateurs particuliers Bellecombe et Crémont. Il est composé d’entrées thématiques classées par ordre alphabétique.

58 Ce rôle de grenier est déjà formulé par le gouverneur Mahé de La Bourdonnais au milieu de la décennie 1730, dans Albert Lougnon, Mahé de La Bourdonnais. Mémoire des îles de France et de Bourbon, Saint-Denis, Impr. Drouhet, 1937, p. 65-67.

59 Le titre de la relation d’Henri Duquesne est à cet égard assez explicite : Recueil de quelques mémoires servant d’instruction pour l’établissement de l’isle d’Eden (1689).

60 Par une lettre du 26 mars 1646, la Compagnie française des Indes orientales missionne Pierre Poivre pour rompre le monopole hollandais sur les arbres à épices, voir Base Poivre de Jean-Paul Morel : http://www.pierre-poivre.fr/doc-49-3-26.pdf consulté le 10/01/2021.

61 « Ce fut, dit-on, M. David, le successeur de notre bon La Bourdonnais, qui fonda, en 1749, la campagne du Réduit », Louis Bouton, « Le Réduit et nos premiers gouverneurs », dans Revue historique et littéraire de l’île Maurice, Port-Louis, Année 1, 1887-1888, impr. 1889, vol. 1, p. 444.

62 « C’est M. de La Bourdonnais qui a formé le jardin des Pamplemousses [...] Celui du Réduit, commencé en 1749 ou 1750, doit naissance à M. David, qui succéda à la Bourdonnais. Il prit pour prétexte la nécessité de donner un asyle (sic) sûr aux femmes de la Colonie, en cas que l’Ile fut attaquée par l’ennemi ; mais l’amour seul lui suggéra l’idée de cet Etablissement, dont la situation le rapprochoit de la demeure de sa maîtresse : aussi, négligea-t-il entièrement Monplaisir pour le Réduit », dans Joseph François Charpentier de Cossigny, Moyens d’Amélioration et de restauration proposés aux habitants des Colonies, an XI-1802, t. 1, Avant-Propos, li-lii.

63 Jean-Paul Morel nuance la thèse selon laquelle Fusée-Aublet ne serait qu’un simple agent à la solde de Duveläer (le nouveau directeur de la Compagnie des Indes et notoirement ennemi de Poivre) : « ces jeunes plants de muscadier sont morts très certainement de maladie, d’un défaut d’acclimatation, ou d’une quelconque agression naturelle que le manque de savoir-faire des préposés à la conservation de ces plantes délicates n’aura su prévenir. », Jean-Paul Morel, Sur la vie de… op. cit., p. 137.

64 « En 1763, il avait planté près de 800 arbres, représentant environ 50 espèces, pour la plupart adultes et dont plusieurs en rapport et d’autres au moment de rapporter, notamment 300 manguiers de 10 et 12 espèces différentes, des jaquiers, des letchis, des longaniers, des avocatiers, etc. », René Le Juge Segrais, « L’ancien Jardin du Roi le Monplaisir, à l’Isle de France » dans Recueil Trimestriel... op. cit., Livre 1, p. 440.

65 De part le réseau de connaissances qu’il s’est créé après avoir officié en Inde il se targue d’avoir acclimaté à l’île de France une multitude d’espèces utiles parmi lesquelles se trouvent l’indigo d’Agra, l’oranger doux de Daka, les ananas de Patna, la grenade de Cachemire, le riz précoce de Chine, la badiane ou anis étoilé, les amandes, les melons du Hamy, le pé-tsai, les bambous les plus utiles, le jujubier, le vety-ver, le ginseng, le châtaignier…, dans Joseph François Charpentier de Cossigny, Moyens d’Amélioration... op. cit., avant-propos, p. xliii-xlix.

66 A.N. Col F/3/162., voir Base Poivre de Jean-Paul Morel : http://www.pierre-poivre.fr/doc-99-1-10.pdf consulté le 20/01/2021, p. 1-4.

67 René Le Juge Segrais, « L’ancien Jardin du Roi le Monplaisir, à l’Isle de France », dans Recueil Trimestriel... op. cit., Livre 1, p. 442.

68 Il est question d’établir le long de cette rue de places publiques réservées à la promenade, ADR, 24A, 1772, Règlement pour l’établissement, les dispositions & l’embellissement du quartier de St. Denis des administrateurs particuliers Crémont et Bellecombe, daté du 1er juillet 1772, 8 f., ff. 4-5.

69 « Monsieur le Directeur, pour vous dire que sous les gouvernements de Monsieur Milius et de Monsieur Freycinet, le jardin du Roi à Bourbon, entretenait des relations avec les jardins des indes, de l’Amérique, du Cap et de France, qui tout en augmentant la collection du jardin du Roi, procurait des plantes utiles au pays. Ces échanges ont cessé aussitôt que les moyens d’y satisfaire y ont manqués », ADR, 4T40, Correspondances (Fonds du Muséum de Saint-Denis), Lettre du 28 janvier1831 signée Richard et Bréon adressée au Directeur de l’Intérieur Betting de Lancastel.

70 « Du temps de M. Richard, jardinier botaniste, et son catalogue du reste en fait foi, ce Jardin renfermait toutes les espèces utiles […] Il était facile alors d’étudier, avec fruit ; ces plantes si bien classées, de recueillir des échantillons […] Depuis plusieurs années, l’absence d’un homme spécial au Jardin botanique […] a produit le désarroi et le délaissement profond dans lesquels s’est trouvée cette portion du Jardin consacrée à la science. Nous avons tout lieu d’espérer que sous l’administration du nouveau Directeur, cet ordre de choses va cesser et permettre enfin au public de tirer parti des richesses que les Bréon et les Richard y avaient patiemment accumulées. », Arthur Delteil, « Rapport sur les plantes textiles de La Réunion », dans Bulletin de la Chambre d’Agriculture de l’Ile de La Réunion, Saint-Denis, impr. Lahuppe, 2e session de 1870 du 8 juin, p. 50-51.

71 ADR, 2PER120/1, Dr. Charles Coquerel, « Rapport de la Commision chargée d’examiner les questions relatives à la formation d’un Jardin d’Acclimatation à La Réunion », dans Bulletin de la Société d’Acclimatation et d’Histoire naturelle de l’Ile de La Réunion, octobre 1863, p. 186.

72 « La Société Impériale d’acclimatation accroît partout le domaine de l’agriculture en répandant des graines nombreuses de toutes les espèces de plantes utiles, et fait marcher de front l’introduction de nouveaux animaux avec le perfectionnement des races déjà conquises. Elle compte 18 Sociétés affiliées et 49 Sociétés agrégées ; 41 Délégués sont des représentants officiels à l’étranger et dans les colonies. Ses travaux sont divisés en sections correspondant aux branches principales de l’histoire naturelle. Son jardin du Bois de Boulogne est un admirable établissement où se font les premiers essais […] Messieurs, c’est sous le patronage de cette Association [la Société Impériale] sans exemple que nous sommes placés. Notre Société a été fondée dans le but d’appliquer ses principes, et le Comité colonial, créé par elle, est un rameau de cette grande institution basée sur la double et salutaire solidarité de la science et de l’intérêt privé », ADR, 2PER120/1, Discours du Secrétaire général Achille Berg, « Compte-rendu de la première séance générale annuelle (17 août 1863) », ibid., août 1863, p. 23-25.

73 « En 1865, le gouverneur Dupré concède la jouissance de ce jardin public pour dix ans à la Société d’Acclimatation d’Histoire Naturelle de La Réunion », Prosper Ève, « Lecture d’un lieu de mémoire : le destin du jardin royal », dans Yvan Combeau (dir.) Les îles de l’océan Indien. Histoire et Mémoires, CRESOI, Graphica, Saint-André, 2011 p. 271.

74 « Dès le principe, et à l’origine de la Société, nous nous sommes bornés à distribuer aux sociétaires les graines qui nous ont été adressées par la Société Impériale, ou par quelques zélés propagateurs de l’acclimatation », ADR, 2PER120/1, « Rapport adressé au Comité de la Société dans sa séance du 2 juillet 1864, sur les résultats obtenus au jardin d’essai : par Adrien Bories, membre du Comité », Bulletin de la Société d’Acclimatation… op. cit., t. 2, n° 3, juillet, 1864, p. 130.

75 ADR, 2PER120/1, Achille Berg, « But que se propose la Société d’Acclimatation », ibid., t. 1, n° 1, janvier 1863, p. 25.

76 Liste nominative de chaque membre publiée sur 14 pages, ADR, 2PER120/1, ibid., t. 1, n° 2, avril 1863, p. 41-54.

77 ADR, 2PER120/1, « Procès-verbal du 11 novembre 1862 », ibid., t. 1, n° 1, janvier 1863, p. 31.

78 Ibid., p. 32.

79 « La rareté du poisson dans nos eaux courantes, nos viviers et nos étangs, les conditions particulières de notre régime alimentaire si défectueux, le besoin d’une alimentation saine et substantielle dans la colonie, surtout pour la classe si nombreuse des travailleurs, tout faisait à la Société locale d’acclimatation un devoir impérieux de s’occuper avant toutes choses de fertiliser nos cours d’eau en y multipliant le poisson. », ADR, 2PER320/1, 1861-1863, Achille Berg, « Sur la culture et la fertilité de l’eau », Bulletin de la Société des Sciences et Arts de l’Ile de La Réunion... op. cit, année 1863, p. 105.

80 ADR, 2PER120/1, « Procès-verbal de la séance du 5 janvier 1863 », Bulletin de la Société d’Acclimatation... op. cit., t. 1, n° 2, avril 1863, p. 88.

81 « N’oublions pas de mentionner l’introduction dans la colonie, grâce à M. Muëller, de l’Eucalyptus globulus, ce géant de la végétation, dont la venue est difficile dans les parties chaudes de l’île mais qui a donné dans les parties hautes, des résultats inappréciables. Notre honoré délégué, M. de Chateauvieux, est on ne peut plus heureux des essais qu’il en a fait, et demandait le moyen de se procurer 100 ks. De ces graines pour le reboisement de sa localité », A.D.R., 2PER120/1, « Rapport adressé au Comité... op. cit. », ibid., t. 2, n° 3, avril 1864, p. 131-132.

82 « Le quinquina est acclimaté à la Réunion, cela est incontestable. Ce que l’initiative privée et les courageux et constants efforts de MM. Vinson, Morin, les Pères du Saint-Esprit de l’Ilette à Guillaume pouvaient faire a été obtenu. Des arbres, assez nombreux, hauts de plusieurs mètres, se reproduisant de graines ou de boutures, existent à Salazie et dans quelques autres endroits ». ADR, 2PER21/1, Bulletin météorologique et agricole de la Station agronomique de l’Ile de La Réunion, septembre 1879, p. 18.

83 Paul Bories, « La Fièvre », Le Journal du Commerce, du 2 et 11 novembre 1870, p. 1-2.

84 « Toutes ces expériences vont être pratiquées sur le terrain de la Providence, annexé à la Station. Il sera installé de façon à servir de modèle à tous ceux qu’on voudra établir sur les diverses habitations. On lui ajoutera en outre des pépinières de toutes nos plantes utiles. Et quoique les expériences à faire s’appliqueront principalement à la canne, des essais faits dans le même ordre d’idées seront poursuivis sur les vanilles, le tabac, le cacao, le café, etc. », ADR, PB198, Arthur Delteil, Station agronomique de l’Ile de La Réunion. Son But- Son Programme, Saint-Denis impr. Lahuppe, p. 21.

85 « La seconde méthode consisterait à établir soit sur chaque habitation, soit en un lieu déterminé, des pépinières que G. Ville appelle Pépinières d’amélioration ou de perfectionnement », ADR, 2PER21/1, Bulletin de la station...op. cit., mai 1877, p. 10-11. N-B : Georges Ville (1824-1897), agronome et chimiste français proche du pouvoir impérial, fils de Louis Bonaparte et demi-frère de Louis-Napoléon Bonaparte. Disciple de Jean-Baptiste Boussingault, il crée en 1860 le champ d’expériences de Vincennes. Ses travaux le mènent à critiquer la théorie de l’humus (ou des engrais organiques), qui fait alors consensus dans la communauté scientifique, en tentant de prouver le mécanisme de fixation de l’azote de l’air par les plantes.

86 « Nous voilà donc encore une fois ravagés par un cyclone. Toutes nos plantations vivrières telles que maïs, haricots, manioc, etc. ont été à peu près détruites ; les cafés, les cacaos, les vanilles, ce qui reste de girofliers ont subi des déchets considérables ; les champs de canne ont beaucoup souffert ; mais, ainsi que nous avons essayé de le démontrer dans la première partie de ce bulletin, les pertes n’iront pas au-delà de 25 à 30 % [...] Supposons, comme le demandent des personnes qui ont l’habitude de trancher les questions coloniales sans les avoir mûrement étudiées, que la Colonie ait abandonné complètement, depuis quelques années, la culture de la canne pour se livrer exclusivement à celle du café, de la vanille, du cacao, du tabac, du girofle et des plantes vivrières. Un coup de vent, comme celui du 21 mars, passe sur la Réunion et détruit à peu près entièrement toutes ces plantations. Le café demande 4 ou 5 années avant de produire ; la vanille 3 ans, etc. Pendant ce temps là, il faut vivre. C’est la misère en perspective pendant longtemps [...] Qu’on se rappelle les terribles conséquences du coup de vent de 1806 ! Les caféeries furent tellement maltraitées et cet ouragan laissa dans la mémoire des habitants de tels souvenirs, qu’on regarda comme un bienfait l’introduction de la culture en grand de la canne à sucre par M. Des Bassyns [...] La canne à sucre devint le point de départ d’une ère de prospérité fabuleuse [...] Que l’on fasse la part plus large au café, au tabac, que l’on conserve les cultures de vanille, qu’on essaie la ramie, l’élève des bestiaux, etc. rien de mieux. Mais le grand cheval de bataille de la culture coloniale sera pour bien longtemps encore la canne. », ibid., mars 1879, p. 13-15.

87 Ibid., avril 1879, p. 7-8.

88 ADR, 4T42, Acquisitions du Muséum d’Histoire naturelle de Saint-Denis. N.B. : La réponse du Chef du Service de l’Instruction publique, au 1er décembre 1910, déclare que seul le Conseil général est compétent en matière de baux et non l’Assemblée locale. Il n’est donc pas certain que ce champ d’essais ait pu voir le jour.

89 Jean-François Géraud, Les maîtres du sucre… op. cit., p. 120.

90 Londa Schiebinger, Plants and Empire. Colonial Bioprospecting in the Atlantic World, Cambridge (Mass.) & Londres, Harvard University Press, 2004, 306 p.

91 Londa Schiebinger, Secret Cures of Slaves. People, Plants, and Medicine in the Eighteenth-Century Atlantic World, Standford University Press, 2017, 256 p.

Fig. 1 : Hypothèse sur la filiation/mutation du terrain d’habitation

Fig. 1 : Hypothèse sur la filiation/mutation du terrain d’habitation

©Marc Tomas

Fig. 2 : Fort-Dauphin et ses jardins du temps de Flacourt

Fig. 2 : Fort-Dauphin et ses jardins du temps de Flacourt

Source : Etienne de Flacourt, Histoire de la Grande Isle Madagascar, Paris, impr. Gervais &Clovzier, 1661, pl. (entre les pages 254 et 255). [Gallica] site de la Bnf.

Fig. 3 : « Nottes des plantes que j’avois porter à Bourbon »

Fig. 3 : « Nottes des plantes que j’avois porter à Bourbon »

Source : ADR, 4J61, Cahiers de notes de Joseph Hubert concernant ses plantations et ses observations sur divers essais, p. 1 (prise de vue de l’auteur).

Fig. 4 : Extrait du plan du cours de la rivière du Mât à l’île de Bourbon par M. Partiot, ingénieur en chef à l’Île de Bourbon

Fig. 4 : Extrait du plan du cours de la rivière du Mât à l’île de Bourbon par M. Partiot, ingénieur en chef à l’Île de Bourbon

Source : FR-ANOM-23DFC0147A, [ANOM Base Ulysse]

Fig. 5 : L’habitation d’Anne Caze

Fig. 5 : L’habitation d’Anne Caze

Source : ADR., C°767, Extrait du recensement de 1708, Anne Caze, f. 1 (prise de vue de l’auteur)

Fig. 6 : Extrait du rapport de la Compagnie des Indes orientales adressé au Sieur Parat en 1711

Fig. 6 : Extrait du rapport de la Compagnie des Indes orientales adressé au Sieur Parat en 1711

Source : « Mémoire sur l’Ile Bourbon adressé par la Compagnie des Indes au gouverneur Parat le 17 février 1711 », Recueil trimestriel, Saint-Denis, tome V, p. 207.

Fig. 7 : Avis de distributions de graines de la Société d’Acclimatation entre 1863 et 1864

Fig. 7 : Avis de distributions de graines de la Société d’Acclimatation entre 1863 et 1864

Sources : ADR, 2PER120/1, Bulletin de la Société d’Acclimatation et d’Histoire naturelle de l’Ile de La Réunion, t. 1, n°4, octobre 1863, t. 2, n°2, avril 1864. Prises de vue de l’auteur.

Marc Tomas

Docteur de l’Université de La Réunion, Chercheur associé OIES-CRESOI