DOI : 10.26171/carnets-oi_0109
Le 31 mars 20111, l’« île aux parfums » devient le 101e département français2 au terme d’une intégration débutée dans les années 703. Au-delà de cette transformation, c’est l’engagement des femmes mahoraises4 à maintenir cette île de l’océan Indien dans la République française5 qui interpelle. Si leur mobilisation en 19666 porte sur la domination comorienne, elle épouse assez vite par la suite la cause départementaliste via le Mouvement Populaire Mahorais (MPM). Des Chatouilleuses7 à l’élection de la première députée8, le statut de la femme mahoraise s’est construit au fil du temps.
En 2002, lors d’un discours prononcé à Ouangani, Christian Paul, alors secrétaire d’État à l’outre-mer disait que « la femme mahoraise [était] sur la voie d’une juste émancipation »9. Depuis ces propos et suite à l’Accord du 27 janvier 2000 sur l’avenir de Mayotte10 qui prévoyait que « les droits des femmes dans la société seront confortés », il importe d’apprécier à l’heure où l’on s’interroge sur les mutations contemporaines dans les espaces insulaires de l’océan Indien, la condition féminine à Mayotte à l’aune de la départementalisation. Ce processus, objet de nombreux rapports et études11, est-il parvenu à résoudre les conflits nés du double attachement des Mahorais aux valeurs de l’Islam et aux valeurs républicaines12 dans l’intérêt de la femme13 ? Si le rapprochement du droit de Mayotte du droit commun de la République a été une opportunité pour les Mahoraises, la départementalisation actée en 2011 a-t-elle signifié pour autant une réelle avancée dans l’application et le respect de leurs droits ? La prégnance de la coutume et des traditions sont-elles des freins ? Ces questions amènent à un seul examen : mesurer l’impact du processus de départementalisation sur la reconnaissance et l’effectivité des droits des femmes mahoraises.
La reconnaissance progressive des droits des femmes mahoraises au cours du processus de départementalisation
Le cheminement de Mayotte vers le droit commun a eu pour corollaire la fin de toute mesure discriminatoire entre les citoyens. L’histoire de Mayotte, c’est aussi celle d’un statut personnel14 qui a interpellé au fil de l’intégration de l’île dans la République. La situation d’infériorité et d’inégalité que le statut personnel créait entre les femmes et les hommes n’était plus acceptable. Il y a un avant et un après 2011 pour les femmes mahoraises : aux premiers droits reconnus s’en sont ajoutés de nouveaux.
Les droits des femmes mahoraises jusqu’à l’accession au statut de département
À partir de 199815, une réflexion s’est engagée sur la nécessité de faire évoluer le statut personnel au regard des règles républicaines et européennes16. Les progrès portent sur le droit au mariage et sur les droits économiques, sociaux et politiques.
Le nouveau droit au mariage de la femme mahoraise
S’il y avait un droit majeur reconnu désormais à la femme mahoraise, ce serait celui de consentir librement à son mariage. Ce droit, en lien avec l’intimité personnelle17, apparaît en même temps que les traditions perdent du terrain : les contours du mariage seront redéfinis du fait de la départementalisation.
La femme mahoraise peut désormais consentir au mariage et choisir librement d’être l’unique épouse. Il n’est plus possible de donner en mariage des filles de 11 ans, voire de 9 ans au nom de la sunna18. Cette tradition ne peut plus être légitimée au regard du droit républicain. L’article 16 de l’ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil de Mayotte fixe pour les filles l’âge minimum pour se marier à 15 ans. La célébration « est faite par le cadi19, en présence des futurs époux, du tuteur matrimonial (Wali), de deux témoins et de l’officier de l’état civil de la commune de résidence de l’un des futurs époux »20. Les unions ne peuvent plus être imposées, en théorie !
L’âge légal du mariage connaît une nouvelle évolution du fait de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. L’article 1er de la loi élève certes l’âge légal au mariage des femmes de 15 à 18 ans21 mais ne concerne que les Mahoraises mariées selon le droit commun ; celles relevant du droit local restant soumises à l’ordonnance de 2000. Cette différence de traitement entre les femmes à Mayotte disparaît avec l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 relevant de 15 à 18 ans l’âge légal au mariage pour toutes les femmes22. Disparaît ainsi la contrariété avec la convention des Nations Unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes23. D’ailleurs, la France en 200724 a été autorisée à adhérer à la convention de New York du 7 novembre 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages25.
Toutes les mesures légitimant l’existence du statut personnel local verront leur terme avec la loi programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003 (article 68). Modifiant la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte (article 52-2), le texte de 2003 rapproche le droit local mahorais du droit commun en matière d’égalité hommes-femmes. Il instaure la monogamie, la rupture du mariage par divorce, la prohibition de la répudiation unilatérale et l’interdiction des discriminations entre enfants devant l’héritage fondées sur le sexe ou le caractère légitime ou naturel de la naissance.
Il est de tradition à Mayotte que les mariages soient célébrés par le Cadi tôt le matin ; il arrivait souvent que l’officier d’état civil ne puisse être présent. Dorénavant, le mariage est célébré en mairie par l’officier d’état civil de la commune de résidence de l’un des futurs époux en présence des futurs époux et de deux témoins selon la loi du 24 juillet 200626.
S’agissant de la fin du mariage, c’est le droit commun qui s’applique même quand les personnes désireuses de divorcer relèvent du droit local (loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce). Il importe de rappeler que le Cadi avait peu de moyens. En cas de répudiation, il ne pouvait contraindre un mari à subvenir aux besoins de sa femme27. Les Mahoraises ont donc gagné en égalité et en reconnaissance. Le progrès le plus marquant viendra en 2010 : allant plus loin que la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, l’ordonnance du 3 juin n’autorise plus les mariages polygamiques28.
Le droit à l’intimité personnelle inclut la liberté sexuelle. À Mayotte, du fait de la religion musulmane, la sexualité est taboue même si les mœurs ont évolué29. Élément de la vie privée, la liberté sexuelle se traduit par le consentement de l’individu à l’acte sexuel et la contraception30. Toutefois, cette liberté n’est pas assumée vu le nombre de grossesses précoces, le recours important à la contraception d’urgence et aux IVG sans oublier le fort taux de natalité.
Les droits et libertés, politiques, économiques et sociaux de la femme mahoraise
L’apparition de ces droits et libertés coïncide avec la remise en cause de l’incapacité juridique31 de la femme mahoraise32 et l’avènement d’une nouvelle génération de Mahoraises instruites et diplômées. Les droits nouveaux sont le droit d’accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives, le droit au travail et le droit de disposer de ses biens et d’en exiger leur respect.
Au nom de l’égalité des sexes, le Gouvernement de Lionel Jospin a inscrit dans la Constitution de 1958 le principe de parité entre les femmes et les hommes afin qu’il n’y ait plus de discrimination dans l’accès aux mandats électoraux. La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives s’applique à Mayotte mais il importe de noter que dans le projet initial, il était prévu un régime transitoire pour l’île et que c’est grâce à un amendement du député mahorais Henry Jean-Baptiste que cette exception a été abandonnée33. Ainsi, cette première victoire pour la cause féminine va conduire à une entrée remarquée des Mahoraises sur la scène politique. Aux élections municipales, 220 femmes sur 501 élus gagnent leur place. Si à ce jour, seules 3 Mahoraises ont été élues maires34, 13 font aujourd’hui partie des 26 conseillers départementaux35. Les Mahoraises se sont bien emparées du pouvoir électif36.
En France hexagonale, le droit de la femme d’exercer une profession sans le consentement de son mari est reconnu depuis 196537. Si le projet de loi relatif à Mayotte en son article 46 disposait que « les femmes de statut local peuvent librement exercer une profession et disposer de leurs salaires et de leurs biens personnels », c’est la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte qui reconnaît à la femme le droit d’exercer un travail rémunéré et d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation préalable de son mari. Bien plus, l’ordonnance n° 2005-44 du 20 janvier 2005 a modifié les dispositions du code du travail à Mayotte afin de prévenir toute forme de discrimination fondée sur le sexe. C’est donc un droit à l’indépendance financière que la femme mahoraise a gagné. En étant salariée, elle a droit aux autorisations d’absence pour examens médicaux et au congé maternité par exemple.
La loi du 11 juillet 2001 reconnaît aussi à la femme le droit de disposer librement de ses biens propres sans l’autorisation de son époux. Ce droit a en revanche une origine coutumière. Il résulte d’une coutume malgache38 qui voudrait que les biens communs reviennent pour un tiers à la femme39. Le législateur a ainsi confirmé un droit coutumier protecteur de la femme.
Le passage de Mayotte de collectivité territoriale à collectivité départementale a été bénéfique aux femmes, l’évolution en département et en région d’outre-mer (DROM) l’est aussi.
Les avancées en matière d’égalité obtenues par les femmes mahoraises depuis 2011
Les progrès en matière d’égalité femmes-hommes40 à Mayotte sont portés par l’État lui-même et l’Union européenne.
Les mesures en faveur des femmes menées à Mayotte par l’État
Les premières avancées résultent des actions de la Délégation régionale aux droits des femmes de Mayotte41. Apparue en 199142, la délégation s’appuie sur 4 axes : accès aux postes à responsabilité, égalité professionnelle, égalité en droit et en dignité et conciliation entre vie professionnelle et personnelle. Aujourd’hui, guidée par Mme Moinaecha Noera Mohamed, en poste depuis 2010, la Délégation continue à offrir aux Mahoraises visibilité et opportunités. Les progrès concernent les plus vulnérables comme les mieux loties.
L’amélioration de la condition féminine passera d’abord par la revalorisation des prestations familiales voulue par le secrétaire d’État à l’outre-mer, Christian Paul, en 200243. Il souhaitait que ces prestations44 concernent toutes les mères. Toutefois, de nombreuses femmes n’en profitent pas par méconnaissance. De plus, bien qu’il ne soit pas dédié aux femmes, le RSA, qui existe en métropole depuis 2009, a un impact pour les Mahoraises ; il accroît leur pouvoir d’achat45.
2011 est synonyme d’avancée en matière d’égalité. L’État crée le « contrat pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes »46. Ce contrat qui est une aide financière de l’État permet aux entreprises de former des femmes ou d’adapter pour elles des postes de travail. Ce procédé regroupe les anciens dispositifs : le contrat pour l’égalité professionnelle et le contrat pour la mixité des emplois. La Préfecture de Mayotte dans son Projet d’action stratégique 2011-2013 avait prévu de travailler sur la transposition du contrat de mixité des emplois et même sur l’obligation de publier la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise à Mayotte47 ; en définitive, c’est une ordonnance de 2012 qui instaurera un Plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes48. Le premier contrat sera signé en 201449. De plus, le décret n° 2013-612 du 10 juillet 2013, qui introduit l’article R.043-1 dans le code du travail applicable à Mayotte, permet aux entreprises de moins de 300 salariés de conclure une convention avec l’État pour procéder à une étude sur sa situation en matière d’égalité professionnelle et les mesures à prendre pour rétablir l’égalité.
Les actions positives initiées par l’Union européenne
En devenant département de France en mars 2011, Mayotte a pu accéder au statut de RUP et conséquemment aux fonds structurels. Cette nouvelle donne est une opportunité pour les femmes qui peuvent tirer profit de programmes européens. C’est notamment le cas avec le Fonds Social européen (FSE) qui offre des moyens aux personnes/groupes les plus exposés au chômage et à l’exclusion. Les Mahoraises sont concernées plus qu’ailleurs en France en raison de la tradition et de l’image de la femme ; elles sont déscolarisées jeunes, très tôt en charge de famille et donc peu qualifiées.
L’égalité femmes-hommes est une priorité pour l’Union européenne et le Programme opérationnel FEDER-FSE de Mayotte s’inscrit dans ce cadre. Ses objets : l’égalité professionnelle, la création d’activités chez les femmes, la prévention et l’information auprès des jeunes pour éviter la parentalité précoce et la persistance de stéréotypes associés à l’image de la femme. Ce Programme, validé en 2014 par la Commission européenne, consacre un objectif spécifique « OS 7.6 (Axe 7) » aux femmes50.
Du fait de la rupéisation, les Mahoraises ont également profité des programmes de l’IEJ (Initiative pour l’Emploi des Jeunes) lancé en juin 2014 et du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement économique et rural). Il importe de noter que la déléguée aux droits des femmes est associée à titre consultatif aux travaux du Comité régional unique de programmation (CRUP) sur la mise en œuvre des fonds européens afin de veiller au respect des priorités de l’Union européenne, dont l’égalité femmes-hommes.
La départementalisation actée en 2011 a fait naître des attentes qui ont été déçues. Pour certaines Mahoraises, cette avancée institutionnelle signifie toujours droits inappliqués et inégalités persistantes.
L’effectivité problématique des droits des femmes mahoraises en dépit de la départementalisation
En dépit des efforts d’intégration de la problématique des femmes dans le processus de départementalisation, les Mahoraises ne bénéficient pas d’une égalité de droits comparable à celle des femmes en France hexagonale et en outre-mer. Cette maltraitance institutionnelle51 résulte d’une départementalisation mal préparée52. Bien que les difficultés et les solutions soient connues, les correctifs tardent, obligeant les Mahoraises d’aujourd’hui comme leurs aînées, à se mobiliser pour donner corps aux libertés reconnues.
La permanence d’obstacles due au difficile alignement sur le droit commun de la République
Le manque d’égalité entre les hommes et les femmes est criant pour les Mahoraises. Cette insuffisance, identifiée dès 2008 dans le Pacte pour la départementalisation, persiste. Les Mahoraises subissent des discriminations même si des progrès ont été apportés.
Les freins à l’effectivité des droits des femmes mahoraises
Les femmes à Mayotte subissent une double peine. En plus des difficultés qui leur sont propres, elles connaissent des problèmes extérieurs53 et les limites sont de divers ordres54.
La scolarisation et l’instruction des Mahoraises constituent un premier écueil. En 2012, 63 % des femmes âgées de 15 à 64 ans ne maîtrisent pas les bases de l’écrit en français contre 53 % des hommes55. Pour les femmes actives, la difficulté réside dans la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle au vu du manque d’infrastructures dédiées à la petite enfance. Peu dotées, les communes ne peuvent ouvrir de crèches en nombre suffisant56. De plus, il n’y a pas à Mayotte de structure d’accueil pour les femmes enceintes et les mères accompagnées de leurs enfants de moins de 3 ans alors que c’est obligatoire57.
La prise en charge médicale des femmes est encore problématique. En 2004, suite à une nouvelle organisation des soins à Mayotte, certains dispensaires avaient été fermés58 et les femmes dans les campagnes écartées des soins59. En 2015, le Document stratégique « Mayotte 2025 »60 a inscrit en son objectif n° 13 « améliorer la santé des Mahoraises et des Mahorais grâce à une prise en charge plus efficace », ses effets ne sont pas encore visibles pour les plus vulnérables.
Il ne peut être passé sous silence parmi les obstacles au plein exercice des droits des femmes mahoraises, l’impact de la forte immigration comorienne. Bien qu’entre les îles de l’archipel il existe des liens familiaux, la venue à Mayotte de Comoriens clandestins surtout crée des tensions et inquiète particulièrement les femmes. Il leur est reproché d’accaparer les terres, de pratiquer un islam moins modéré… Cette tension connaît un paroxysme en 201661.
Tous ces obstacles conduisent en définitive à une forte émigration vers La Réunion ou la France métropolitaine. Entre 2007 et 2012, près de 18 000 personnes, en majorité des jeunes et des femmes, ont quitté Mayotte62.
Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte de 2008 prévoyait l’égalité sociale à l’échéance d’une vingtaine d’années. Il faut laisser du temps aux réformes. En attendant, l’État lui-même a pris des mesures de rattrapage dès le début des années 2000 et après 2011.
Les mesures étatiques ayant eu un impact positif pour les femmes
L’amélioration la plus notable de la condition féminine est la prise en considération de la problématique des violences à l’égard des femmes à Mayotte63. Pendant très longtemps, il n’y avait aucune donnée sur ce sujet, ni de mesures particulières pour lutter contre ce phénomène d’ailleurs très marqué en outre-mer64. Grâce au travail de la Déléguée aux droits des femmes65, soutenue par le Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD)66, un Guide d’information contre les violences faites aux femmes en français et en shimaoré67 est désormais disponible. Cet outil permet aux femmes de connaître leurs droits quand elles subissent des violences et les incite à ne pas garder le silence. Le CDAD agit en faveur des femmes violentées : aide au dépôt de plainte, aide pour les recours contentieux, aide juridictionnelle.
D’autres mesures sont prises en matière de lutte contre les violences faites aux femmes à Mayotte. Il est question de la formation des professionnels au repérage et à la prise en charge des victimes (SAMU, SMUR, gendarmerie…), la présence d’intervenants sociaux dans les commissariats et gendarmeries, la prévention et la sensibilisation de la population (journées de sensibilisation, colloques, affichages, production future d’une telenovela), la création d’une cellule d’écoute au centre hospitalier de Mayotte et la mise en service de la ligne « grand danger »68. De plus, suite à la saisine du Conseil départemental le 19 janvier 2017 à propos de la mise en œuvre à Mayotte de la loi de 2016 sur la lutte contre le système prostitutionnel, l’Aide financière sociale et professionnelle (AFIS) est désormais disponible. Cette aide s’adresse aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle.
S’il y a encore fort à faire pour combattre les atteintes à l’intégrité physique et psychologique des femmes à Mayotte, il faut relever comme actions positives notamment en 2015 la création d’un quartier de femmes au centre pénitentiaire de Majicavo et l’insertion de la problématique des femmes dans les contrats de ville69.
La promotion et la protection des droits des femmes du fait des Mahoraises elle‑mêmes
De tout temps, les femmes mahoraises ont œuvré au devenir de leur île et depuis l’acte de naissance du Département, elles sont particulièrement actives en matière d’éducation, de santé et sur le plan économique avec en ligne de mire l’égalité femmes-hommes70.
L’éducation et la santé, préoccupation des femmes mahoraises
À Mayotte, les associations jouent un rôle clé dans la défense des droits des personnes, notamment le planning familial, l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (ACFAV) et les réseaux de santé.
Parmi les actions notables du planning familial71 qui dispose de peu de moyens, il y a l’opération « Belles de nuit » à destination des personnes prostituées avec distribution de moyens de protection72.
L’ACFAV, créée en 2010, est un acteur incontournable de la prise en charge des femmes victimes de violences. En novembre 2015, elle est parvenue à ouvrir à Cavani un accueil de jour permettant aux femmes violentées d’avoir un lieu où s’isoler, discuter, échanger et de venir accompagnées de leurs enfants.
Deux réseaux de santé créés en 2009 jouent un rôle primordial auprès des Mahoraises : le Réseau de périnatalité de Mayotte (REPEMA) et le Réseau de dépistage des cancers (REDECA). Le REPEMA a pour objectif de participer à la diminution de la morbidité et de la mortalité maternelle et infantile, de veiller au bien-être de la femme et de l’enfant et de mettre en œuvre un réseau d’informations et de préventions. Interface entre les différents professionnels liés à la périnatalité, ce réseau espère à long terme offrir un vrai parcours de soins en tenant compte de la spécificité multiculturelle et de l’immigration73. Le REDECA lui, organise, gère et assure la promotion des dépistages. Son action, qui a débuté avec le dépistage du cancer du col de l’utérus, se poursuit aujourd’hui avec le dépistage du cancer du sein.
L’économie, terrain privilégié de l’action des Mahoraises
Bien que sa création soit antérieure à la départementalisation, l’association Entreprendre au féminin à Mayotte74 est particulièrement active75. Cette association de cheffes d’entreprises cherche à partager expériences et savoir-faire afin de promouvoir l’entrepreneuriat féminin à Mayotte et dans l’océan Indien. Ce réseau d’entraide s’est distingué par la création d’un premier espace de coworking avec l’association « Les Passionnés de l’artisanat mahorais » (2015) et par la tenue de l’opération « Marraines en action »76 menée avec la délégation aux droits des femmes (2016). Sont aussi organisées des formations « Agir au féminin » avec le soutien de la Délégation.
Les Mahoraises s’illustrent dans l’entrepreneuriat et forment le public majoritaire de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE)77. En 2012, sur 734 personnes financées, 488 étaient des femmes78. Au premier semestre 2016, sur 571 micro-entrepreneurs financés, 64 % étaient des femmes79. En 2017, c’est 62 % sur les 586 microcrédits octroyés80. Grâce à l’ADIE, de nombreuses mahoraises ont pu créer leur entreprise dans divers secteurs d’activité (librairie, artisanat, restauration, écrivain public, coiffure, pêche, construction…). D’autres y sont parvenues avec le soutien de leur époux et de leur famille.
A Dembéni, en octobre 2017, s’est tenu le premier salon de l’entrepreneuriat au féminin organisé par l’association « BGE Mayotte-Appui aux entrepreneurs ».
Les Mahoraises ont investi tous les domaines de la société et militent même hors de Mayotte. C’est le cas de « Femmes Leaders »81 et d’« Udjama »82. Si la première association se présente comme étant le successeur des Chatouilleuses pour la défense des intérêts légitimes de Mayotte, la seconde fait du lobbying. Bien d’autres structures œuvrent pour le devenir de l’Ile et pour la sauvegarde de son patrimoine. Les Mahoraises se montrent83 et leur savoir-faire est mis à l’honneur qu’il s’agisse de l’art du sel avec les mama schingo (Écomusée du sel de Bandrélé), de la poterie à Sohoa ou de la défense de la culture (Association Ouzouri des Femmes de l’Île aux parfums).
Au terme de cette réflexion sur la condition féminine au regard du processus de départementalisation, il apparaît que la femme mahoraise est de tous les combats surtout depuis 1966. La nouvelle génération de Mahoraises est davantage formée et occupe l’espace public en politique comme sur le plan économique. Bien qu’elles éprouvent des difficultés à gérer vie professionnelle, personnelle et familiale, les Mahoraises sont le ciment et l’avenir du département. S’il est vrai que le 101e département français a encore de nombreux défis à relever (inégalités persistantes, forte immigration clandestine84, jeunesse, système législatif dérogatoire85), il a du potentiel. Il est sur la voie et va se construire avec ces femmes déterminées à faire vivre tous leurs droits et toutes leurs libertés car « Mayotte est une femme »86.