Les mutations de droit international et européen, ou la mise en relief de rapports de force diplomatiques

Introduction de l’axe 4

Hélène Pongérard-Payet

p. 185-188

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Bibliographical reference

Hélène Pongérard-Payet, « Les mutations de droit international et européen, ou la mise en relief de rapports de force diplomatiques », Carnets de recherches de l'océan Indien, 7 | -1, 185-188.

Electronic reference

Hélène Pongérard-Payet, « Les mutations de droit international et européen, ou la mise en relief de rapports de force diplomatiques », Carnets de recherches de l'océan Indien [Online], 7 | 2021, Online since 01 March 2023, connection on 21 November 2024. URL : https://carnets-oi.univ-reunion.fr/772

« La diplomatie échoue toujours quand le rapport de force est équilibré. On n’a jamais vu un plus fort accepter les propositions diplomatiques de l’autre ».
Muriel Barbery, L’élégance du hérisson, Paris, Gallimard, 2006, p. 235.

Cet axe interroge les mutations qui se dessinent dans l’océan Indien au prisme du droit international et du droit européen. Il permet d’entrevoir que nombre de questions juridiques ne sont pas encore résolues dans les relations interétatiques ou même interrégionales dans l’espace indianocéanique1, voire dans le grand océan Indien, en proie à des rivalités et tensions. Des règles, limites et valeurs s’imposent aux différents acteurs de la zone, sous l’effet notamment du droit international et du droit européen, au prisme duquel il convient de réfléchir à l’évolution des cadres juridiques existants pour les rendre plus propices au développement de relations internationales qui dépasseraient le strict cadre de la coopération pour s’orienter résolument vers une dynamique d’intégration, l’avenir de l’océan Indien. L’Indianocénie est ainsi conçue comme « le socle et le tremplin de l’intégration régionale »2. En effet,

« Le droit de l’intégration, à défaut de pouvoir encore pénétrer dans les grandes relations internationales, a du moins le don de transformer en profondeur les rapports entre États dans le cadre de collectivités plus restreintes, de caractère surtout régional. C’est en effet dans ses dimensions qu’il devient possible de construire des liens de confiance et de solidarité qui conduisent à l’interpénétration entre les États et leurs peuples »3.

Passionné par l’étude du fédéralisme4, Rémi Barrué-Belou interroge, dans une dynamique prospective, les diverses manifestations fédératives pouvant prendre corps dans l’océan Indien afin de répondre aux défis pluriels de la zone. Par une approche de droit comparé, il analyse d’abord le concept de fédéralisme, qui repose sur quatre principes structurants - l’autonomie, la séparation, la participation et la coopération - ainsi que sur des outils fédératifs, les outils contractuels et dialogiques. L’objectif est de permettre un rapprochement institutionnalisé des relations interétatiques. Puis, il tend à démontrer que le fédéralisme autorise les asymétries ; des droits ou des statuts variés pouvant s’exprimer à l’intérieur d’un système fédératif. Le fédéralisme peut donc constituer une source d’inspiration dans la construction de nouveaux cadres de relations dans la zone océan Indien, sous réserve d’une réelle volonté politique qui pourrait ici faire défaut.

Dans le prolongement de cette réflexion, Daniel Dormoy explore, en tant qu’expert du droit des organisations internationales5, les possibilités d’évolution du droit, tant national qu’international et européen, de la participation aux organisations internationales régionales de l’océan Indien et de la pratique politique en résultant, afin d’y permettre une plus large participation d’entités non étatiques, en particulier de La Réunion en tant que telle. Il rappelle en filigrane que le droit régissant les rapports entre États et leurs relations extérieures ne peut évoluer sans une forte volonté politique des États eux-mêmes. Il démontre ainsi que le droit international et européen n’interdit pas une plus grande participation de La Réunion aux organisations régionales de l’océan Indien, telle la COI, mais que cette participation dépend surtout, en réalité, de la volonté de l’État français et des États tiers de la zone de faire évoluer les cadres juridiques existants et, en pratique, de prendre en considération de telles évolutions, dans le contexte diffus de l’achèvement de la décolonisation.

S’intéressant pour sa part aux défis juridiques que soulève la gouvernance des océans, Marie-Pierre Lanfranchi met en relief la logique de territorialisation des fonds marins qui se joue dans l’océan Indien autour de la question de l’extension des limites du plateau continental des États riverains de la zone. L’enjeu est ici devenu majeur dans un contexte de raréfaction des ressources terrestres minérales et fossiles, si bien que la quasi-totalité des États riverains a sollicité l’extension du plateau continental. Cette spécialiste du droit international, notamment du développement durable et de la mer6, interroge d’abord la capacité des États riverains à faire valoir leurs droits devant la Commission des limites du plateau continental. Puis, elle s’attaque à la question essentielle de l’articulation des revendications d’extension avec les droits et prétentions des États tiers voisins, pour démontrer que les stratégies des États oscillent, en pratique, entre effort de coopération et logique de confrontation, concernant respectivement les exemples, d’une part, de la région des Mascareignes et de l’Antarctique et, d’autre part, du Golfe du Bengale et de l’archipel des Chagos.

Enfin, la problématique de l’application du régime du droit d’asile aux migrations forcées dans l’océan Indien constitue une autre question au coeur de l’actualité juridique de la zone qui sera approfondie par Bérangère Taxil dans le numéro 8 des Carnets de recherches de l’océan Indien7. Dans l’ensemble, toutes les contributions présentées au titre de cet axe convergent pour mettre en relief le bon vouloir des États comme facteur clé de la construction de nouveaux cadres de relations internationales dans la zone, objet de rapports de force diplomatiques.

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Photos : © Serge Bouchet

1 Sur les contours de l’Indianocéanie, voir Jean-Michel Jauze (dir.), Définis-moi l’Indianocéa­nie, Saint-André, Université de La Réunion - Epica

2 Les mille visages de l’Indianocéanie, Actes du colloque de la Commission de l’océan Indien (COI), 6 et 7 juin 2013, Mahébourg, COI éd., 2013, 106 p.

3 Pierre Pescatore, Le droit de l’intégration. Émergence d’un phénomène nouveau dans les relations internationales selon l’expérience des Communautés

4 Voir de Rémi Barrué-Belou, notamment, « Federative Tools: A New Perspective for Seces­­sion », in Alberto López-Basaguren y Leire Escajedo

5 Voir de Daniel Dormoy, notamment, Introduction au droit des organisations internationales, Bruxelles, Bruylant, coll. « Organisation internationale

6 Voir de Marie-Pierre Lanfranchi, notamment, Actualités de la gouvernance internationale de la Mer Méditerranée, en co-direction avec Rostane Mehdi

7 À paraître en décembre 2021.

1 Sur les contours de l’Indianocéanie, voir Jean-Michel Jauze (dir.), Définis-moi l’Indianocéa­nie, Saint-André, Université de La Réunion - Epica Éditions, 2019, 308 p.

2 Les mille visages de l’Indianocéanie, Actes du colloque de la Commission de l’océan Indien (COI), 6 et 7 juin 2013, Mahébourg, COI éd., 2013, 106 p. https://www.commissionoceanindien.org/wp-content/uploads/2019/05/Les_mille_visages_de_l__IndianOceanie.pdf (consulté en janvier 2021).

3 Pierre Pescatore, Le droit de l’intégration. Émergence d’un phénomène nouveau dans les relations internationales selon l’expérience des Communautés européennes, A. W. Sijrhoff-Leiden, 1972, p. 7.

4 Voir de Rémi Barrué-Belou, notamment, « Federative Tools: A New Perspective for Seces­­sion », in Alberto López-Basaguren y Leire Escajedo San-Epifanio (Eds), Claims for Secession and Federalism, Springer, 2019, p. 325-334 ; Analyse des outils fédératifs aux États-Unis, au Canada et au Brésil. Contribution à l’étude du fédéralisme, Université de Laval et Université de Toulouse 1 - Capitole, Thèse en droit et en cotutelle éditée par l’Assemblée nationale du Québec, Coll. générale, 2014, 586 p.

5 Voir de Daniel Dormoy, notamment, Introduction au droit des organisations internationales, Bruxelles, Bruylant, coll. « Organisation internationale et relations internationales », 2020, 206 p. ainsi que, parmi ses nombreuses publications, celles citées infra dans la bibliographie de sa contribution.

6 Voir de Marie-Pierre Lanfranchi, notamment, Actualités de la gouvernance internationale de la Mer Méditerranée, en co-direction avec Rostane Mehdi, Paris, Pedone, 2021, 206 p. ; « Gestion durable des ressources minérales marines et droit international », Journal du droit international (Clunet), n° 3, Juillet-Août-Septembre 2019, doctr. 8, p. 717-738 ; « L’accroissement des compétences de l’État en mer : l’extension du plateau continental », in Cédric Glineur (dir.), L’État et la mer. Approches historiques et juridiques, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015, p. 145-162.

7 À paraître en décembre 2021.

Photos : © Serge Bouchet

Hélène Pongérard-Payet

MCF-HDR de droit public, Université de La Réunion
helene.pongerard@univ-reunion.fr

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